26 février 2021

Essai Rolls Royce Silver Shadow, contentons nous du meilleur

Essayer une Rolls-Royce est quelque chose qui ne se refuse pas. Parce qu’on ne contredit jamais sa majesté et parce l’occasion ne se présente pas tous les jours. Surtout quand le modèle en question a permis à son constructeur de faire un bond en avant sans précédent, et marqué à tout jamais l’histoire de la marque. 

Le temps ne compte pas 

Ce matin Villedieu-les-poêles aurait presque des airs de village anglais, le ciel est bas et les pierres font furieusement penser à la perfide Albion. En arrivant, on se dit que c’était le bon endroit pour tester une Rolls. Notre hôte, à d’ailleurs tout du Dandy Anglais. Brieuc à la vingtaine, et une jolie moustache, ce qui ne l’empêche pas de faire son trou dans le milieu de la restauration automobile. Passionné depuis toujours par les vieilles anglaises, il roule tous les jours en Triumph et en a retapé des parkings entiers avant de se mettre à son compte. 
Au fond du garage Auto mobilia, la belle blanche nous attend, immaculée. 

La Rolls-Royce Silver Shadow marque un tournant dans l’histoire de la marque. Il s’agissait de renouveler le genre, sans se couper de la plus conservatrice clientèle au monde. Abandonner les formes aristocratiques sans perdre en route les aristocrates. Chez Rolls-Royce on ne fait rien comme tout le monde et à une époque où l’industrie automobile anglaise produit essentiellement de la bouillie, la Silver Shadow devra marquer les esprits de sa perfection. Les anglais n’ont pas la même notion du temps que des humains normaux.

Ces pervers utilisent les horloges essentiellement pour connaître l’heure du thé. Malgré tous leurs défauts, ils savent ce qu’est de respecter les traditions et sont capables de beaucoup de patience. C’est comme ça qu’ils ont mis 10 ans à concevoir cette descendante de la Silver Cloud. Parce qu’il fallait faire très bien, et parce que rien ne pressait. 

L’artisanat moderne 

La rupture avec la Silver Cloud ne devait pas être uniquement stylistique, mais évidemment aussi technique. Une véritable révolution industrielle et culturelle. Tout d’abord, la petite dernière abandonne le châssis séparé au profit de la première monocoque autoportante de la marque. Première voiture de Crew équipée de 4 roues indépendantes, elle reçoit aussi un correcteur d’assiette automatique et hydraulique. Cela vous rappelle quelque chose ? Justement notre belle anglaise utilise un brevet Citroën.

D’abord monté sur les 4 roues, il équipe notre modèle de 1972 uniquement aux roues arrières, comme toutes les Silver Shadow post 1969. Comme pour rattraper d’un coup tous les retard accumulés, la vénérable marque de Crew impose également des freins à disques. Le genre de détail bienvenu dès qu’il est question de ralentir 2,3 tonnes. Avec un triple circuit  assisté, le système de freinage mériterait un livre à lui tout seul. Mai 1968 est passé par là et votre chauffeur travaillera moins dur, grâce à une direction assistée. 

Crachin Normand pour belle anglaise 

Avec cette génération, Rolls optait pour une ligne ponton, 20 ans après tout le monde. Si certains regretteront à jamais cette banalisation du style, au profit des canons de beauté d’usage, on ne peut que saluer la noble élégance qui se dégage de cette ligne. L’équilibre est remarquable, les proportions parfaites et cet ensemble intègre à la perfection l’indispensable Spirit of Ecstasy. 
Notre modèle d’essai s’avance vers nous majestueusement. Son gabarit réduit pour une Rolls est quand même impressionnant. 5,17 mètres d’élégance et de classe naturelle. 

Pour apprécier pleinement ce genre de trip, il convient de se mettre à la place du client. C’est à dire que vous verrez défiler la route de la banquette arrière. Honnêtement, c’est pas la plus mauvaise place. La banquette est d’une ergonomie parfaite et la moquette si épaisse que vous aurez envie de voyager pieds nus pour sentir vos doigts de pieds disparaître dans la laine de mouton Ecossais. 
Tout dans ce carrosse semble étudié pour durer un siècle et offrir l’expérience la plus réjouissante possible. Cela pourrait apparaître comme facile de dire que la Silver Shadow est confortable, le vivre est autre chose. Le poids des portes et la sonorité de celles ci à la fermeture ne s’expliquent pas. L’absence quasi totale de la moindre matière plastique dans l’habitacle surprend nos yeux habitués aux modernes. On redécouvre du bout des doigts, la sensation du chrome parfaitement usiné, du bois subtilement traité, ou d’un comodo métallique. 

Velours mécanique 

Derrière le volant en bakélite, on fait moins le malin. Le gabarit de la Rolls-Royce impose une totale concentration pour s’extraire de la ville. La largeur est respectable certes, mais c’est surtout le volant “du mauvais côté” qui surprend. Brieux m’assure qu’il suffit de 1000 kilomètres pour s’y faire définitivement. Sa majesté ne se déplace pas, elle caresse le sol avec ses pneus. 

Le V8 de 6.7 litres est une sacrée pièce dont l’encombrement tranche avec le doux ronronnement de chaton qui s’en dégage. La puissance est de l’ordre de 220 chevaux, une estimation datant du temps où la marque qualifiait la puissance de ses modèles de “suffisante” sans jamais en dévoiler plus. La boîte Hydramatic Turbo à 3 rapports sied à  merveille à cette mécanique pleine de couple. Cette transmission était fabriquée par Rolls sous licence General Motors. 
Notre modèle a subit une révision récente mais semble traverser les décennies sans rides. L’ensemble est en très bon état et le silence règne à l’intérieur.  

The best car in the world ? 

La “meilleure voiture du monde”, titre auto proclamé par la marque anglaise est-il mérité? Avec plus de 31 000 exemplaires produits, les Silver Shadow I et II seront les plus produites de la marque. C’est cette génération qui commencera à séduire le monde entier, à commencer par le moyen orient, si précieux pour la marque aujourd’hui. Cinquante ans après sa sortie, la Rolls-Royce Silver Shadow semble avoir arrêté le temps.

Les cuirs sont toujours aussi souples, la mécanique ne souffre d’aucun problème et on peut toujours boire le thé en roulant sans en renverser une goutte. Il n’y a pas de miracle, tout cela demande un entretien suivi et lourd mécaniquement et financièrement. Le modèle d’essai venait de recevoir une réfection complète de son circuit hydraulique.  Évidemment une Mercedes-Benz 600 offre les mêmes qualités avec un comportement plus dynamique. Mais aucune teutonne n’offrira jamais cette classe naturelle, cette exception culturelle, surmontée du Spirit of Ecstasy. Une exception accessible entre 15 et 40 000 euros.  

 

Découvrez aussi qui se cache derrière la coachline des Rolls Royce, la fameuse ligne peinte à la main parcourant la voiture dans toute sa longueur.

 

Photos : Nicolas Laperruque 
Merci à Lisa Cappellen 

à Brieuc Harivel du garage Auto Mobilia  Villedieu-les-Poêles 50 

et à Monsieur S. RAULT, propriétaire du véhicule. 

 

Raphaël Crabos

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