22 juillet 2020

Bandama Rally 1972 La course la plus dure du monde

Bien avant le Dakar, un homme décide d'organiser la course la plus dure au monde. Pour finir, il faudra être très rapide, passer au travers des pièges, affronter la saison des pluies, la boue, et 4000 kms de pistes défoncées. Les meilleurs rallymens du monde se pressent sur la ligne de départ, mais si cette fois ci la course était tout simplement impossible ? C'est ainsi que né le Bandama Rallye 1972. 

Retrouvez la version audio ( Podcast de cet article à la fin de cette page )

Jean-Claude Bertrand 

Si aujourd’hui vous demandez à quelqu’un l’origine des rallyes africains, on vous parlera sûrement du Dakar, emmené par un Thierry Sabine aux faux airs de Jésus-Christ. Les légendes ont la vie dure mais l’histoire commence bien avant. Jean-claude Bertrand est le premier à croire au potentiel d’attraction des étendues d’Afrique sur des Européens en manque d’aventures.

L’homme est un sacré personnage. Né à Paris bien avant la guerre, il arrive en Côte d’Ivoire en 1952. A 16 ans il sillonne le pays au volant de camions Dodge pour transporter les bananes de la plantation familiale. Le virus de la vitesse est déjà là et rapidement Jean-Claude participera à tout ce que l’Europe organise en matière de courses. Mais il veut aller plus loin, et il décide d’organiser le rallye le plus dur au monde. L’East African Safari représente à cet époque ce qui se fait de plus viril en terme de rallyes. Comment s’en démarquer alors que le parcours est de même nature? Le Bandama se courra pendant la saison des pluies ! La première édition se déroule en 1969 avec à la clé pour le vainqueur un gros chèque de 5 millions de francs, geste jamais vu à l’époque. Rapidement, la planète rallye se précipite sur cette épreuve, connue désormais comme « le plus beau et le plus dur rallye au monde ».

Pescarolo, Neyret, Jabouille, Beltoise, Larrousse, Mehta

En 1972, ce slogan va prendre tout son sens. Alors que l’épreuve est désormais installée et viable, attirant de généreux sponsors, la liste des engagés est de très haute volée. Larrousse, Jabouille, Beltoise, Mehta, ou encore Bob Nevret vainqueur l’année précédente pour ne citer que les plus connus. Le parcours de 4000 km doit se faire d’une traite à la moyenne imposée de 100km/h. Engagé sur une Chrysler, Pescarolo témoigne de la difficulté à tenir ce rythme infernal : « Si vous roulez avec une prudence relative, vous êtes très vite hors délai. Il faut ouvrir en grand et exiger de la voiture des efforts abominables sur les pistes défoncées de la brousse ». C’est une course contre la montre et contre les éléments.

De la poussière, partout 

La principale difficulté, si on met de coté l’air brûlant et la nature pour le moins hostile du terrain, c’est la poussière. Une course de côte faisant office de prologue est organisée afin de définir l’ordre de départ. Neyret, en habitué, signe le meilleur temps sur son proto DS 23 développant 170 chevaux. La course est lancée de nuit, sur une route près d’Abidjan. Au terme de la première étape, au pointage d’Abengourou, seuls 9 équipages sont dans les temps.

L’enfer 

Après 1000 km d’enfer, il reste 4 équipages professionnels encore dans les délais : Neyret-Terramorsi, favoris et tenants du titre sur leur proto DS, Mehta-Dawson sur Datsun 1600, Fall-Flocon et Mikkola-Aho sur Peugeot 504. A 5 minutes de la clôture du contrôle de passage synonyme d’élimination, surgissent Raudet et Curien sur une Datsun, deux amateurs que personne n’attendait et qui explosent de joie en apprenant qu’ils sont encore en course.
Nous en sommes au premier quart de la course. Les concurrents foncent à 120/130km/h dans une épaisse fumée, devinant les contours de la piste à la lueur des phares. Il faut se forcer pour maintenir ce rythme. Les bords de piste sont encombrés des véhicules abandonnés des concurrents malheureux. Assez rapidement il apparaît que le nombre de survivants à l’arrivée sera faible. A la difficulté du terrain s’ajoute la fatigue. Les copilotes s’endorment les uns après les autres, ou sautent des lignes du très sommaire road-book. Les esprits s’échauffent, l’attention s’en ressent et les accidents se succèdent. La plupart des concurrents partiront à la faute, une fois, deux fois, souvent plus. Vanson, concurrent naviguant en queue de peloton, racontera plus tard avoir entrepris de noter les numéros des véhicules abandonnés, avant de renoncer : “dans chaque touffe d’herbe on voyait dépasser une plaque d’immatriculation”.

Le cercle vicieux 

Après avoir essayé de regrouper un maximum de concurrents à Abidjan pour compter les survivants et les pénalités, la caravane infernale doit désormais reprendre sa course folle vers le nord. Ceux qui pensaient avoir fait le plus dur seront servis. Il s’agit cette fois de franchir un tronçon taillé à la machette dans 40 km de forêt vierge. Les troncs d’arbre qu’il faut franchir, et son lot de surprises ont raison de la volonté de Beltoise/Jabouille et de Nicolas qui abandonnent. Les Renault 16 pourtant venues en nombre ne sont plus là . Les véhicules sont confiés à des techniciens locaux qui s’avouent vite débordés devant l’ampleur des dégâts. Chez Renault, l’inexpérience a poussé à charger les voitures de pièces et de renforts en tous genre. Louable idée mais dramatique pour la performance. Les pilote compensent par la prise de risque, rentrant dans un cercle vicieux assez vite fatal. L’arrivée est encore très loin quand Neyret qui conduit depuis 48 heures sans sommeil commet une erreur. Sa DS est patiemment réparée par son équipier mais ils arriveront trop tard. C’est un duel qui décidera du vainqueur . Il ne reste que deux équipages en course. Mehta va affronter un équipage Fall/Flocon qui dispose d’une Peugeot miraculeusement bien conservée.

Il reste un équipage, mais trop tard...

L’orage déverse des tonnes d’eau, Mehta se trouve rapidement enlisé dans une boue dont il ne sortira pas. Fall, dépassant son malheureux adversaire comprend qu’il a encore une chance de gagner ce rallye dont il est l’unique survivant. Quand l’équipage arrive devant la station d’essence faisant office de contrôle de passage c’est la désillusion. Les commissaires sont partis et l’endroit est désert. Il est décidé au bout de 2500 km de cauchemar qu’aucun classement ne sera établit. Les prix promis sont reportés à l’année suivante faisant monter la dotation pour 1973 à 25 millions de francs et une remise de prix symbolique est organisée au bord de la piscine de l’hôtel. L’équipe Peugeot, vexée n’y participera pas, peu importe le Bandama est entré dans la légende. L’épreuve était plus forte que les hommes.

Nicolas Laperruque 

Merci à Richard Perrin de American Top Car

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