18 août 2020

Essai de la GAZ Volga 31029, Parfum de Nomenklatura


Chez Road-Story, on ne dit jamais non à un peu d'exotisme ou d'originalité. (Voir  Le Monte Carlo en Wartburg)  Certains pouvant qualifier notre passion pour les voitures de l'est de perversion. Ainsi, quand Pierre-Elie, notre correspondant en Russie, nous a proposé l'essai d'une Volga de 1996, nous n'avons pas dit non. L'occasion était trop belle de vous parler d'une voiture pas comme les autres. Plongée au volant d'une véritable institution hérigée au rang de véhicule historique roulant. En route camarade !

 

 

Longtemps symbole de réussite sociale, dans un modèle prônant pourtant l’égalité pour tous, rouler en Volga était un privilège réservé aux cadres du PCUS, aux taxis officiels, ainsi qu’à quelques personnalités publiques récompensées par l’Etat (artistes, chercheurs, sportifs ou autres cosmonautes). ( Lire aussi, Visite du musée automobile d'Ekaterinburg). Pour ainsi dire, jusqu’à la chute du système, la Volga n’avait presque jamais été en vente libre ! Apparue en 1956 sur les chaînes de l’Usine Automobile de Gorky (GAZ), elle s’est éteinte en 2009, après 5 générations et de nombreuses modifications. (Lire aussi, comment Lada a permis à Coca de battre Pepsi en Russie)

Notre exemplaire du jour est un modèle 31029 de 1996, une Volga de transition, dont la mission était de populariser cette voiture, en profitant du passage à l’économie de marché. Produite de 1992 à 1997, cette grande berline est à l’image de la Russie de la période Eltsine, un mélange maladroit entre nostalgie d’un temps révolu, et soif d’un nouveau monde, entre réalité et idéal.


A la chute du régime, la gamme compte deux modèles : la 3102, statutaire et luxueuse, apparue au début des années 80, était censée succéder à la 24 (voir photos dans l’encart). A la demande de Brejnev qui ne voulait pas « qu’une voiture transportant des hommes de pouvoir et des généraux serve également de taxi » (cf. Vladimir Nikititch Nosakov, directeur du département « Véhicules Légers » de GAZ), la 3102 est réservée aux pouvoir, tandis que la 24, apparue en 1967, voit sa carrière prolongée avec une phase 2 « 24-10 ». 

À la chute du système, malgré l’afflux rapide de voitures étrangères d’occasion, l’Usine Automobile de Gorki, enfin libérée des chaînes du parti, décide d’offrir à la Volga une seconde carrière « civile ». La 3102, âgée de « seulement » 10 ans, est modernisée et maintenue au sommet de la gamme… tandis que la 24-10, dont le dessin remonte à la fin des années 60, ne pouvant faire le poids face à la concurrence, est mise à la retraite. Privatisation et crise financière oblige, GAZ ne peut trouver le financement nécessaire au développement d’une nouvelle berline, d’autant plus que l’ensemble des ressources est consacré au développement d’un fourgon populaire, la GAZelle. Décision est prise, comme souvent dans la Russie des années 90, de faire « du neuf avec du vieux », en puisant dans la banque d’organe du groupe. De cette façon naît la 31029 : une 3102 simplifiée, dont la face avant modernisée ne permet pas de cacher la vérité – elle repose en réalité sur une plateforme de 24-10, âgée de plus de 20 ans. Profitant de son image statutaire et de son prix attractif, le succès commercial ne se fait pas attendre : plusieurs équipes se relaient sur la chaîne, samedi compris, permettant d’atteindre rapidement les 125000 exemplaires annuels. La chaîne étant prévue pour seulement 70000 véhicules, cela n’est pas sans impact sur la qualité de fabrication et de montage.

En s’approchant du véhicule, ce qui saute aux yeux est son gabarit. Frôlant les 5 mètres (4,89m) et faisant appel à des lignes droites et des angles nets, la Volga en impose ! Statutaire, elle étonne également par sa garde au sol, à faire rougir de honte le marché SUV moderne. Alors que la ligne de carrosserie, traditionnelle, sort tout droit des années 70 ; la face avant « arrondie », les pare-chocs en plastique noir, ainsi que les jantes en aluminium (option d’usine) font preuve d’un semblant de modernité. Le tout s’intègre étonnamment bien, l’harmonie de l’ensemble est réussie.
De nombreux accessoires et détails nous rappellent le rang du véhicule (jolies poignées de portes chromées ; antenne de radio télescopique électrique ; tours de vitres et gouttières chromées, etc) … Tandis que d’autres nous font fortement douter de la qualité : ajustement des ouvrants catastrophique et nombreux points de rouille … 


L’habitacle, repris de la 3102, distille un charme réel. Le dessin de la planche de bord est traditionnel, mais équilibré et réussi, tout comme celui des sièges et de la banquette arrière. Ces derniers chouchoutent les occupants par leur moelleux et leur tissu de belle facture, aussi résistant que plaisant à l’œil et au toucher. Quand bien même simplifié pour la « populaire » 31029 (contre-portes noirs, plastiques durs, etc), la première impression est donc très positive. 
Assis haut, le conducteur surplombe le trafic urbain et profite d’une vue plongeante sur le long capot. Pour dire vrai, la position de conduite rappelle celle d’un utilitaire ! Le tableau de bord est simple, lisible et relativement complet, comprenant voltmètre, température d’eau, pression d’huile, montre analogique, etc. L’absence de compte tour n’est pas un handicap - nous y reviendrons plus tard – tandis que la radio K7 d’origine participe au charme de l’ensemble. Enfin, l’énorme voyant rouge « stop » vous ramènera en enfance, au bord de la GS ou CX familiale (c’est même incongru de le retrouver ici !).  

En ce matin de fin d’octobre, la température à Moscou est de 4 degrés, je décide de m’aider du starter pour lancer le moteur. Contact ; le gros 4 cylindres 2,5 ZMZ s’ébroue immédiatement, en dégageant un bruit rond et discret, qui n’aurait pas sonné faux sous le capot d’une américaine ! Dès les premiers tours de roues, le moteur surprend par sa souplesse et sa discrétion. Coupleux à bas régime, il ne demande pas à monter dans les tours pour prendre de la vitesse. La boîte de vitesses à 4 rapports (la BVM5 était seulement disponible en option) étonne également par sa précision, mais les synchros, inefficaces, obligent à décomposer le mouvement, en marquant l’arrêt au point mort. En respectant cette règle, toutes les vitesses passent bien, sans accrocher et sans forcer. Enfin, arbre de transmission et pont arrière ne sont ni bruyants, ni vibrants… mais ce dernier, réputé fragile, demande un entretien régulier (vidange tous les 10 000 kms avec huile de qualité).

Le châssis, quant à lui, étonne par ses réactions. Premièrement, la direction, bien que relativement précise, est particulièrement lourde, alors même que le train avant est peu chargé (la répartition des masses étant quasiment parfaite, propulsion aidant, 52/48%) et que le volant est de grand diamètre.
Ensuite, je n’ai jamais eu l’occasion d’essayer un véhicule dont la tenue de cap est aussi mauvaise ! Tant que le revêtement routier est de bonne qualité, ce défaut n’est pas rédhibitoire… mais lorsque la chaussée est dégradée, en particulier par des irrégularités de type « ornières » (longitudinales, dans le sens de roulage), la voiture se « balade » de gauche à droite, en suivant ces dernières. La faute n’est pas à attribuer à la conception de la suspension avant indépendante, dont la construction est par ailleurs relativement complexe, mais à l’angle de chasse (angle du pivot de roue) proche de 0°.  Ce choix de configuration s’explique par l’absence de direction assisté (un angle de chasse prononcé aurait rendu la direction encore plus lourde), mais associé à la garde au sol importante et au pont arrière rigide monté sur ressorts à lames, une telle configuration nuit fortement au comportement routier, le conducteur devant constamment « maintenir » la voiture dans la trajectoire voulue, alors qu’elle souhaite en dévier…

Pour le reste, les réglages de suspension se veulent confortables et font oublier toutes velléités de conduite sportive. La prise de roulis, marquée, ne nuit pas à la tenue de route en virage : une fois la voiture sur l’angle, elle s’y maintient sans trop d’efforts. Seul le train arrière peut parfois réagir brutalement lorsqu’il n’est pas chargé (faute aux ressorts à lames), mais ce défaut disparaît une fois la voiture chargée, avec passagers et bagages. 
Le freinage, quand bien même confié à 4 tambours (sommes nous vraiment en 1996 ?!), est relativement efficace et facilement dosable. Le servofrein fait bien son travail, et cette configuration a l’avantage d’être fiable et de réduire l’entretien.

Enfin, pas de grand reproche à faire à l’ergonomie, compte tenu la faible liste des options, mis à part pour le fonctionnement du système de ventilation et de chauffage, complexe d’utilisation (5 commandes et boutons !), et la radio, qui force le conducteur à quitter la route des yeux (réglage de la fréquence sensible, bouton de déploiement de l’antenne placé trop bas, etc).
En conclusion, cette Volga s’apprécie en week-end, avec famille et bagages, sur les routes départementales, comme nationales. Dans ces conditions, son silence, sa souplesse de suspension, la douceur de son gros 2,5l et le charme suranné de son habitacle vous font comprendre pourquoi, aujourd’hui encore, même à Moscou, les regards envieux se retournent sur votre passage. 


Fiche Technique 
Moteur 4 cylindres 8 soupapes de 2,5l, filtre à huile « tasse », double système de refroidissement radiateur d’eau + radiateur d’huile (à ouvrir ou fermer au besoin) et rideau métallique actionnable depuis l’habitacle). 

Elle a tourné dans James Bond !
La Volga 31029 a été rendue célèbre à l’international dans une des courses poursuites les plus réussies de la série James Bond des années 90 : Goldeneye 1995. 


Achat et entretien
La côte de la 31029 est encore, pour le moment, très abordable. Restaurée à l’état neuf, les prix oscillent entre 200.000 et 300.000 roubles (2500 - 3800 €). En bel état d’origine, non restaurée (comme celle de notre essai) entre 125.000 et 200.000 roubles (1500 – 2500 €). Aucun intérêt, compte tenu de ces prix, de se tourner vers un modèle non-roulant.
A titre d’exemple, celle de notre essai à été vendue à 2200€. 
L’ensemble des pièces mécaniques se trouvent sans difficulté, à prix abordable. Un alternateur, par exemple, vous reviendra à 50 € en moyenne. Les accessoires spécifiques à la 31029 sont plus difficiles à dénicher : la recherche de logos, emblèmes ou enjoliveurs vous fera passer quelques soirées sur l’ordinateur. 

Allumage du plafonnier
Détail exotique. La Volga étant à l’origine destinée aux cadres de l’administration ou aux taxis, le plafonnier se commande par le conducteur ! « Chauffeur ! Allumez le plafonnier, s’il-vous-plait ! »


Starter
Le manuel d’utilisation met en garde « le starter doit être tiré en appuyant simultanément sur la pédale de gaz. Dans le cas contraire, le mécanisme d'entraînement pourrait rompre » - c’est bien la première fois que je ne regrette pas d’avoir lu un manuel d’utilisation !

Rouille galopante
Maladie des voitures anciennes, la Volga n’y échappe pas ! La rouille apparaît dès le premier hiver en extérieur. Les Volga y étant les plus sensibles sont celles des années 90, difficultés financières oblige. « Nous utilisions alors la quantité de peinture prévue pour une caisse, pour en peindre deux » (cf. Vladimir Nikititch Nosakov, directeur du département « Véhicules Légers » de GAZ.).

Textes et photos : Pierre-Elie Doloy

Lire aussi :

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