25 juin 2020

Lancement Mercedes 190 : Les WC construits par la Daimler-Benz

L’AGE DORÉ DES PRESENTATIONS BLING-BLING

En ce temps-là, le soleil était plus chaud, les fleurs plus colorées et les filles plus jolies. C’était le temps béni où les voitures se vendaient à la pelle. Il n’était pas rare que les clients viennent, après le boulot, faire un petit tour chez les concessionnaires pour admirer les bombinettes GTI de leur rêve. C’était le temps où Alpina, AMG, Brabus, Corvette, Autodelta faisaient fantasmer les jeunes cadres dynamiques de la Bourse qui se voyaient déjà cruiser sur les planches de Deauville ou le port de Saint Tropez au volant d’une étrangère de 300 ch rouge vif…

 

Les constructeurs et les importateurs avaient la belle vie. Leur seul problème c’était le délai de livraison, vous imaginez. A l’époque, pour faire connaître une caisse et la rendre indispensable, il n’y avait qu’un moyen : la presse. La presse papier bien entendu, personne n’avait d’ordinateur, et Internet en était au stade néanderthalien de l’art pariétal… En revanche, un papier dans AutoHebdo, Sport auto, l’Equipe ou même la feuille de chou du Cantal assurait au constructeur un nombre non négligeable de ventes.

Inutile de dire qu’ils ont rapidement compris l’importance cruciale des journalistes et se sont mis à les chouchouter. Le grand deal c’était de lancer la voiture dans un pays ensoleillé, et d’accueillir la presse dans une ambiance fastueuse digne des mille et une nuits. Il fallait faire mieux que les autres et rien n’était trop beau pour que les essayeurs associent la voiture à un séjour de rêve. Il y a eu ainsi des lancements mémorables, associés à des cadeaux somptueux offerts au moment du départ comme un « souvenir », dont certains confrères plus âgés (ou plus expérimentés…) parlaient encore dix ans plus tard avec émotion.

 Dans cette petite rétrospective non exhaustive et sans aucune prétention, je me propose de vous faire revivre quelques-uns des moments les plus étonnants, vécus lors des lancements presse. Vous allez voir que lorsque l’imagination est associée à des budgets disons confortables, cela donne des résultats surprenants.

Mercedes 190 : Les WC construits par la Daimler-Benz

Etienne Moity venait de m’embaucher comme essayeur à AutoHebdo et, jusqu’ici, mon boulot s’était limité à récupérer les voitures auprès des parcs-presse et à les essayer à Montlhéry et ailleurs avant d’écrire mon papier dans le couloir qui me servait de bureau dans nos locaux exigus de la rue de Lille.  Je croyais naïvement que le travail d’un essayeur se limitait à cela. Jusqu’au jour où Etienne m’a montré une invitation de Mercedes à Séville pour le lancement de la 190. 

"Faut absolument y aller, c’est une voiture importante pour la marque et, de notre côté, on n’a aucun moyen de la conduire ici avant son lancement officiel. Ça va être un gros truc, c’est un lancement international mais au moins y aura toutes les combinaisons de moteurs, de boîtes et de finitions. Bref vous y allez." 

Concernant le lancement de la mercedes 190 2.3 16S , reliser aussi notre articles sur la course de lancement de la 190 2.3 16S avec la première rencontre entre Prost et Senna  (lire : https://www.histo-auto.com/fr/actualite/190/1984-premiere-rencontre-prost-senna-ayrton-nest-pas-la-pour-jouer )

C’est comme ça que je me suis retrouvée au Bourget dans la salle privée d’une compagnie tout aussi privée pour un vol… devinez ? Privé ! Déjà ça commençait bien. L’attaché de presse m’accueille comme si j’étais la reine de Saba et m’explique « Pour l’Andalousie c’est plus pratique d’affréter un avion privé ». S’il le dit….

Champagne avant l’embarquement, champagne pendant le vol, ça commence plutôt pas mal. A l’arrivée, une escouade de limousines se charge de nous véhiculer jusqu’à l’hôtel.  Lorsque l’on arrive downtown, c’est carrément devant l’Alphonse XIII que notre chauffeur nous dépose. S’il y a un hôtel à voir dans le sud de l’Espagne, c’est bien celui-là. Le choc visuel est à la hauteur de l’Alphonse XIII, magnifique palace 5 étoiles construit dans les années 1920 par le roi éponyme dans le plus pur style andalou-mauresque. Sur le plan architectural c’est une véritable beauté, avec une cour intérieure fleurie bordée de balcons et de rambardes façon hacienda hispanique; tellement typique qu’on s’attend à voir débarquer Don Diego de la Vega lui-même au coin du patio !

Bien entendu dans ce palace où le prix d’une simple nuit équivaut au salaire moyen d’un ouvrier de chez Mercedes, on trouve une immense piscine, un spa, un hamman et pléthore d’équipements dont je n’aurai guère le loisir de profiter, vu que l’on repart demain et que, d’ici là, le programme a l’air plutôt chargé. A ce propos, c’est fou le nombre d’hôtels de rêve dans lesquels m’ont invitée les constructeurs et dont je n’ai jamais pu profiter des équipements, faute de temps…. Dure vie que celle d’essayeur, lol.

Ma chambre est à peine plus petite que le chœur de Notre Dame, il n’y manque que le Prince Charmant pour que le tableau soit parfait…. Je suis sûre que Mercedes a dû y penser, ils vont me faire la surprise et me l’envoyer pour le tea time.

Mais pas le temps de s’éterniser ni de profiter de ce lit king size aux draps d’une douceur angélique qui me tente déjà, c’est l’heure de la conférence de presse -que les essayeurs, dans leur jargon, ont baptisée « la piqûre ». Elle est précédée, comme il se doit, par une coupette. Je suis en train de découvrir que, dans les présentations presse, on se retrouve souvent un  verre à la main. Où que vous soyez, y a toujours un loufiat qui trouve le moyen d’apparaître  avec un plateau chargé de boissons. Je le vérifierai à chaque présentation. En tous cas, cela semble faire le bonheur de certains confrères…. 

La conférence est un instant aussi solennel que peu original. Quelle que soit la voiture présentée, c’est toujours la septième merveille du monde, celle que le marché attendait et qui va révolutionner son segment ! Les ingénieurs, les motoristes, les designers,  se succèdent au micro et nous assènent des chiffres, des croquis, des données, le tout visant à nous expliquer par a + b que cette auto est absolument fantastique. Quand ils sont sûrs qu’on a bien compris, on réveille ceux qui s’étaient assoupis et c’est l’heure de passer à table. Le dîner n‘est pas le moment le plus agréable. Bien que les mets soient délicieux, les hôtels multi-étoilés ayant recours aux offices des plus grands chefs, il faut alimenter la discussion avec les intervenants de la conférence de presse et, en général, ils sont bien rôdés pour esquiver les questions qui fâchent. Bref il est rarissime de pouvoir glâner une info exclusive. Après le dîner digne de la folie des grandeurs, j’esquive le pousse-café et retour au bercail car demain la journée commence de bonne heure. Avec les Allemands c’est du genre à 7 heures petit déjeuner pris ! C’est le moment de tester (brièvement) le lit de Cendrillon aux draps si fins….

J’avais espéré trouver une heure pour visiter quelques églises et monuments de Séville avant le début des hostilités mais je dois y renoncer : à 6 h du matin tout sera fermé… j’enrage. C’est bien la peine d’être à Séville et de ne rien pouvoir visiter. Je vais vite m’apercevoir que les présentations presse ménagent rarement du temps pour les amateurs d’art.

Devant l’Alphonse XIII le ballet des limousines a repris, cette fois pour nous emmener à l’hacienda. On nous a expliqué hier soir que toutes les 190 se trouvaient là-bas et que l’on nous avait préparé un parcours fléché d’environ 80 km, à parcourir autant de fois que nous voulions. A l’hacienda un buffet est servi non-stop, à nous d’organiser notre essai à notre guise. L’hacienda est de la taille du ranch des Ewing et son parking n’abrite pas moins de 80 Mercedes 190. Il y a toutes les couleurs, toutes les combinaisons d’intérieur, d’équipements, optionnels ou pas, et de boîtes. J’ai fait l’essai, pour voir, de rechercher une noire vitres manuelles, jantes alliage, toit ouvrant et boîte auto…. Eh bien je l’ai trouvée ! Cette présentation c’est le camp du Drap d’Or.

Délaissant les 190 à carbus (vérifiez : le modèle a bien existé même s’il est resté confidentiel), je jette mon dévolu sur une 190E rouge vif en misant sur la couleur pour les photos. Mercedes nous a fourni un dossier presse aussi volumineux que les mémoires du Général de Gaulle contenant au moins 50 photos, mais j’ai bien l’intention de réaliser mes propres clichés, pas envie de retrouver dans AutoHebdo les mêmes illustrations que partout ailleurs ! Me voilà partie sur les petites routes andalouses, parmi les lièges et les cyprès. Le parcours est impeccablement fléché, on sent l’organisation à l’allemande, et la route serpente dans un paysage bucolique écrasé de soleil. En Andalousie, au mois de mars on prend les mêmes coups de soleil qu’à Saint Raphaël au mois d’août. Tout de suite je remarque que l’asphalte a été rafistolé pour masquer les nids de poule. Bizarre ce zèle des ponts & chaussées espagnols, d’autant qu’à la faveur des croisements, je m’aperçois que les routes adjacentes ont gardé leurs trous. La réalité me saute aux yeux : ce sont nos petits chenapans de Mercedes qui ont refait la route afin que la suspension de leur 190 paraisse encore plus efficace. Oh les coquins….

Je ne suis pas au bout de mes surprises. Au kilomètre 40, j’aperçois un « stop pipi » sous la forme d’une très jolie petite cabane en dur accueillante à souhait et fléchée, bien entendu. Bien, mais personnellement je la trouve inutile, en effet l’hacienda n’est qu’à 25 mn de voiture, pourquoi installer des toilettes au milieu de rien ? La réponse me viendra des années plus tard, lors d’une conversation à bâtons rompus avec Michel-Pierre Texier, à l’époque attaché de presse de Mercedes-Benz France. Il se trouve que les membres du Directoire de la firme à l’étoile étaient tous âgés d’au moins 80 ans et qu’ils souffraient de la prostate. L’un d’entre eux avait inauguré le parcours d’essai et demandé expressément la construction d’un WC à mi-parcours à l’usage des journalistes. Selon ce brave homme, il était inenvisageable de parcourir les 80 km sans s’arrêter pour un petit besoin naturel…. 

Et, là où les Allemands sont encore plus forts que tout, c’est qu’en partant de Séville, après leurs quelque sept semaines d’essais-presse, ils ont revendu leur WC aux infrastructures espagnoles ! Business is business …

Pour être tout à fait honnête, je reconnais ne pas avoir effectué le parcours plus de trois fois, étant donné que la gamme se limitait, pour mon journal, à une seule motorisation, la E à injection, et à deux boîtes de vitesses, mécanique et automatique. Pour ma part il fallait être vicieux pour enchaîner les tours, en comparant les vitres manuelles ou électriques, les différentes couleurs et les intérieurs cuir ou tissu, comme je l’ai vu faire à certains … 

J’ai eu le plaisir de déjeuner à l’hacienda avec mon ami Paul Frère avant de reprendre le chemin de Séville puis de l’aéroport. Mais désormais, dans les dîners mondains, lorsque l’on évoque l’hôtel Alphonse XIII, je peux me la jouer voyageur de luxe et dire « ah oui, c’est un très bel hôtel, vous connaissez la suite royale ? ».

Tintin

Retour

Ces histoires sont pour vous :


13 août 2022 Histoires d'essais

Mercedes EQV, le premier Van Mercedes qui devient camping-car

Cela fait maintenant 2 ans que Mercedes a intégré un « classe V » électrique dans sa gamme, l’EQV. Une société Suisse le transforme en camping-car, l’o

> LIRE


25 avril 2022 On en parle

Portrait Chinois Michel Tona pour son livre 60 ANS DE LA JAGUAR TYPE E

Je reçois cette semaine Michel Tona pour faire son Portrait Chinois. En fait c'est Francis mais pour rigoler je l'ai interviewer sous son pseudo. Francis est auteur de multiples livres

> LIRE


22 octobre 2021 Histoires d'auto

Le Lamborghini LM 002 à moteur Mercedes de Tina Turner

En 1986 la LM 002 entre en production. À peu près au même moment, Tina Turner a fait un retour sur le devant de la scène avec des chansons comme "What's love got to do with it&quo

> LIRE


04 août 2021 Histoires de courses

Jean-Pierre Jaussaud...Le léopard du Dakar 1985:

Le 22 juillet dernier, Jean-Pierre Jaussaud , notre papy Jaussaud, disparaissait à l’âge de 84 ans. Il faisait partie de ces pilotes au talent pur, qui pouvaient piloter n’importe quelle v

> LIRE


Newsletter
Je m’inscris
à la newsletter