08 juin 2020

Dans cette Cobra, avec Jo, je n'ai jamais eu peur, sauf peut-être sur la grande ligne droite vers Bastia, à 250 à l'heure...

Patrick Vanson était le coéquipier de Schlesser sur la Cobra au Tour de Corse 1963. Comme vous vous en doutez, il n'a rien oublié de cette fantastique épopée. Alors, pour vous qui ignorez tout des joies ineffables et de la douce quiétude procurées par la place de passager dans une Cobra pilotée par un Jo Schlesser, voici un petit aperçu de la course, telle qu'il l'a racontée.

Retrouvez la version audio ( Podcast de cet article à la fin de cette page )

« Ce Tour de Corse en Cobra s'est décidé à la suite d'un dîner chez moi. ll y avait là Jo, et Henri Chemin (Manager de l'Ecurie Ford France). Evidemment, nous parlions voitures, courses, rallyes et la Cobra est venue sur le tapis: « Ah mon copain, il me faudrait une Cobra pour le Tour de Corse » déclare Jo en rigolant. Moi, rigolant aussi, je me proposai comme coéquipier. Je ne sais plus à quel moment ce qui n'était au départ qu'une plaisanterie s'est concrétisé, mais Henri Chemin a obtenu de Caroll Shelby une Cobra pour la Corse, et nous sommes partis reconnaître le parcours avec une simple Ford Cortina.

Prendre les notes, marquer les mauvais virages à la peinture bleue sur les rochers, recopier les notes le soir, tout cela ne nous laissait pas le temps de nous ennuyer, mais au moment du départ nous étions fins prêts. La voiture aussi, sauf un petit détail fâcheux: les jantes de rechange dont nous avions besoin pour changer de pneus pendant la course (avec la puissance de la Cobra, et sur un parcours aussi accidenté, les pneus ne font pas long feu) étaient bloqués par la grève des douaniers. Tant pis il faudrait pour changer les pneus, démonter les vieux de nos roues et remonter les neufs à la place, ce qui nous ferait perdre pas mal de temps.

Au départ d'Ajaccio, nous quittions la ville par la côte nord-ouest vers Porto et Calvi. La route était très tortueuse, c'était une étape qui passait tout juste en terme de timing et Jo attaquait tant qu'il pouvait. Je gueulais comme un âne pour qu'il m’entende lui lire les notes, et lui me répondait: «parle plus fort, tu murmures». Mais la Cobra avait un bruit tellement démentiel qu'au bout d'un moment il me dit: «laisse tomber les notes, j'entends rien». Et nous voilà fonçant presque à l'aveuglette, dans un bruit infernal. Moi, depuis un moment, je n'étais pas dans mon assiette, j'avais la tête qui tournait, je m’endormais, je n'étais vraiment pas bien. Au premier contrôle qui était en pleine nature, nous sommes arrivés « dans la minute». Je suis sorti de la voiture, et me voila parti dans les champs avec le carnet de pointage, en tournant le dos aux contrôleurs. Les types m'ont couru après pour me rattraper, moi je ne savais plus où j'étais: j'étais couvert d'essence qui avait coulé sur mes vêtements par le bouchon de réservoir mal fermé, placé juste derrière moi. Les vapeurs d'essence m'avaient à demi asphyxié, j'étais K.O.

Pour que je puisse respirer un peu, nous avons décapoté, et en avant. Jo m'a dit : « T'inquiète pas mon pote. Il y a de la peinture bleue, t'occupe pas des notes ». Avec la puissance fabuleuse de la Cobra et Jo au volant, ça passait. Au matin, ça allait mieux: le soleil, la route sèche, la Cobra pouvait vraiment s'exprimer. Mais, dans le courant de la matinée, il a fallu changer de pneus, et l'opération a quand même pris vingt minutes. ‘Sur la route de Bastia, Jo a presque rattrapé le temps perdu en faisant donner à la Cobra tout ce qu'elle avait dans le ventre, et nous avons du pointer avec quelque chose comme deux ou trois minutes de retard seulement. Il n'y avait que Trautmann qui était passé dans les temps. Dans cette Cobra, avec Jo, je n'ai jamais eu peur, sauf peut-être sur la grande ligne droite vers Bastia, à 250 à l'heure, où ça allait bien vite si quelqu'un avait traversé la route. Mais nous avons eu quelques belles émotions: dans la descente de Sainte Marie Sicché, la fumée a envahi la voiture; nous avons pensé que ça brûlait et sommes sortis
en catastrophe pour aller nous planquer et attendre que tout saute à cinquante mètres de là. Mais rien. Nous avons fini par nous décider à revenir voir, et avons trouvé le fil de la pompe électrique qui faisait un court-jus. En deux minutes c'était rafistolé, et nous sommes repartis comme des diables dans notre Cobra. Vers la fin, Jo a fait un truc très chouette, il m'a donné le volant pour une étape. Ça m'a fait rudement plaisir. Malgré le temps perdu avec nos histoires de pneus, et en dépit de mes divagations dans les champs de la première étape, nous étions quand même deuxièmes au Classement Général, et premiers en-Grand-Tourisme.

Jo m'a fait, pendant ce Tour de Corse, une réflexion que je n'ai jamais oublié : à chaque arrêt, des spectateurs, des tas de gens, l'entouraient, lui parlaient, certains lui expliquant pratiquement comment il fallait conduire la Cobra, l'abreuvant de conseils ; et lui ne s'énervait jamais.  leur répondant chaque fois«Oui, oui" toujours souriant. Je lui demandai comment il pouvait rester si calme, et il a eu cette phrase : « J’vais te dire un truc mon pote, quand je discute avec des cons, ils ont toujours raison ».

 

Reprise d'un texte de J.M. Vincent lui aussi coureur sur AC Cobra à l'époque et qui avait receulli cette anecdote auprès de Patrick Vansson lui même

- Les podcasts de Road Story sont disponibles sur notre chaîne Podomatic

- Mais également sur Itunes en recherchant "Road story"

- Mais également sur Spotify en recherchant "Road story"

- Mais également sur Deezer en recherchant "Road story"

Une des photos est de Mr Maurice Louch, je mets le lien vers son site, tout ses livres sont magiques 

http://www.editionsmauricelouche.com/tour-de-corse.html

Retour

Ces histoires sont pour vous :


06 février 2022 Histoires de courses

Une Ford Escort XR3 sur le Paris-Dakar !

Josef Pointinger n’est pas un inconnu dans le sport automobile. En effet, cet autrichien a commencé à participer à de nombreux rallyes nationaux dès le milieu des années 70, au vo

> LIRE


21 janvier 2022 Histoires d'auto

Histoire d’achat, Road-Trip pour acheter une Honda S2000 et une Mazda Mx-5 « furtive »

Comme si l’on n’avait déjà pas assez de boulot avec les merguez qui nous faisaient rêver, nous voilà à faire une petite balade pour acheter une Honda S2000 pour un copain. No

> LIRE


12 décembre 2021 On en parle

" Portrait Chinois " Patrick le Quément pour son livre "Lucky Man"

L'occasion de parler du livre de Patrick le Quément et retrace sa vie avant son arrivée chez Renault. on parle aussi autos sportives, camions et utilitaires. Un moment de discussion fort sympatique,

> LIRE


07 décembre 2021 Histoires d'essais

Essai Ford Mach-e 294 ch 99kwh 2 Roues motrices ( RWD )

Mes camarades de la presse n’ont eu que des versions 4 roues motrices à l’essai lors du lancement de la Ford Mach-e. Mon ami Nicolas Meunier avait relevé des consommations assez déli

> LIRE


08 novembre 2021 Histoires d'essais

Ford Explorer 2021, le SUV hybride 7 places idéal pour tracter. 

  Quand on veut disposer d’un grand véhicule, avec assez de place pour être à 5 (et même potentiellement 7), pouvoir tracter ponctuellement et ne pas être assassiné par la

> LIRE


Newsletter
Je m’inscris
à la newsletter