On connaît tout de la carrière de Jean Alesi. Depuis quelques jours, les sites de news racontent tous la même histoire sur la vente de sa F40. Mais nous allons vous raconter comment Jean s’est retrouvé sur un coup de dés, propriétaire de cette Supercar mythique.  

Retrouvez la version audio ( Podcast de cet article à la fin de cette page )

Alesi et Tyrrell 

Alesi signe chez Ferrari après une saison très réussie chez Tyrrell. Dès la première course lors du grand prix de France 1989, alors qu’il n’a jamais conduit la voiture et qu’il a été prévenu seulement quelques jours auparavant, Jean réalise l’exploit avec une excellente quatrième place. (lire : https://www.histo-auto.com/fr/actualite/609/lincroyable-note-de-service-de-ken-tyrrell-laissee-a-ses-ingenieurs-au-sujet-de-jean-alesi )
Un second exploit lors de l’ouverture de la saison 90 à Phoenix viendra sceller son destin. (lire Jean Alesi /Ayrton Senna à Phoenix. Un des plus beaux duels de la F1) Jean sera en F1 pour longtemps. Après ce duel contre Senna dans les rues rectilignes de Phoenix, tout le monde s'intéresse au jeune Avignonnais. A commencer par Williams qui lui fait une proposition dès le début de saison. 

Williams ou Ferrari? 

Un “pré-contrat” est signé entre Jean et Franck Williams. Il s’agit d’une option qui doit se transformer en contrat pour 1991. Le contrat définitif doit être signé avant le GP de France. Les semaines passent et Williams n’active pas l’option. Jean Alesi frappe à la porte de chez Williams et rien ne sort des négociations. La date butoir du Grand Prix de France arrive à grand pas et rien ne bouge. Jean Alesi déboule dans le motorhome Williams lors du week-end de son grand prix national, et la réponse est toujours la même “on ne peut pas t'officialiser maintenant”. 
En face, chez Ferrari on propose un contrat à Jean et on lui remet un exemplaire qui devra être signé lors du week-end du grand prix d’Italie de Monza. Jean Alesi ne veut plus attendre un éventuel accord avec Williams, il ira chez Ferrari. A l’époque, Jean n’a pas de manager ou d’avocat. Mais un autre pilote va aider Jean Alesi à négocier son contrat. 

Merci Nelson Piquet 

A l’époque Jean s’entend très bien avec Piquet , qui l’a un peu “pris sous son aile”. Alors que Jean s’apprête à se rendre dans le motorhome Ferrari pour y parapher son contrat, Nelson Piquet demande à jeter un oeil sur l’accord. Piquet, en vieux roublard parcourt le contrat des yeux et s’étonne : “Il faut demander plus que ça !” Piquet ajoute alors un million de dollars au montant prévu. Continuant à lire le contrat, Nelson Piquet interroge encore Jean :  “Tu n’as pas demandé de voiture? Il faut demander une voiture!” Devant la surprise de Jean Alesi, Piquet insiste et ajoute au contrat “Une F40 sera offerte à Jean Alesi par Ferrari”. 

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Dur en affaires ! 

“J’avais pas d’avocat ou de manager, mais je ne me voyais pas du tout arriver devant le patron de Ferrari en demandant tel montant, telle position dans l’équipe, le mulet et en plus une Ferrari F40 !” raconte Jean Alesi. 
Jean Alesi, presque contraint par son ami, finit par aller cogner à la porte du motorhome Ferrari pour y apporter son contrat. "Je l’ai donc donné, et je me souviens que le président l’a lu, m’a regardé, et m’a dit : “Eh bien ! Il est dur en affaires le jeune pilote français!” Le contrat était accepté, merci Nelson !

Alesi pilote numéro 2 

Il y aura une seconde voiture qui finira dans le garage de Jean Alesi. Nous sommes au début de l’année 1993 pendant l’intersaison, et Jean Alesi est en essais privés à Estoril lorsqu’un journaliste Italien l’appelle et lui annonce que Gerhard Berger vient d’être embauché comme pilote numéro un par la Scuderia. 
A l’époque Jean vient de mettre Ivan Capelli K.O sur la saison 1992 et surtout Alesi porte l’écurie à bouts de bras. Cela fait deux ans qu’il donne sa vie à la Scuderia Ferrari dans des conditions difficiles. La voiture n’avance pas, et surtout elle ne termine pas les courses. Au début de chaque course l’équation se résume à choix assez simple : faire 20 tours à fond et abandonner sur casse moteur ou boîte, ou prendre soin de la mécanique pour tenter de faire 30 tours. 
Jean prend très mal l’annonce du recrutement de Berger comme premier pilote. D’autant qu’à l’époque ce statut apporte un réel avantage. C’est le premier pilote qui récupère la voiture de réserve, c’est également lui qui dispose des nouvelles pièces en priorité ou qui peut accéder aux séances d’essais privés. 

"Je n’ai pas besoin d’argent, j’ai besoin de respect"

A l’époque c’est Niki Lauda qui s’occupe de la gestion sportive de la Scuderia. Jean va voir Lauda et lui demande : “C’est vrai ce qu’on dit? Berger va être pilote numéro un ?”.
Niki Lauda comprend et tente de rassurer Jean Alesi “T’inquiètes pas Jean, ça change rien pour toi, ça veut rien dire tout ça. Tu veux quoi, de l’argent?”
Mais ce dont à besoin Jean après deux ans passés chez Ferrari et des dizaines de moteurs cassés, c’est pas de l’argent. 
“Ce dont j’ai besoin Niki, c’est pas de l’argent. C’est du respect”. 
Niki (lire également : Niki Lauda, passionné d'aviation ) promet à Jean de plaider sa cause auprès de Luca di Montezemolo, grand manitou de Ferrari. Quelques heures après ce coup de fil, Montezemolo appelle Alesi : “Jean, je sais que tu as refusé l’argent qu’on te proposait, et je comprend. Pour te remercier on t’offre la Formule 1 de 1992”. Depuis, la Ferrari F92 A à moteur V12 trône dans le garage des Alesi. Une voiture qu’il souhaite garder toute sa vie. Contrairement à la F40, qui elle, vient de changer de mains, et pour une bonne raison. 

Une F40 vendue pour financer une saison de Giuliano 

La course chez les Alesi est une affaire de famille. Après Franck le père de Jean qui roulait en rallyes, et Jean pilote de F1, c’est aujourd’hui le tour de Giuliano Alesi, le fils de Jean de courir. Mais même pour le fils de Jean Alesi, trouver un budget en 2020 s’avère pour le moins compliqué, et Jean a du faire un sacrifice pour sauver la carrière de Giuliano. Pour boucler le budget de la saison de F2 de son fils, Jean a en effet vendu sa F40. “Je suis très triste car je suis un ancien pilote de F1, j’ai des liens mais j’ai dû vendre ma Ferrari F40 pour donner à mon fils le budget de courir en F2. Pourquoi ? Parce que c’est mission impossible de trouver des sponsors. Et devant vous, vous avez les prix de ces outils qui sont trop chers et que personne ne veut changer. Dans la famille, nous faisons les choses avec passion, et entre avoir une Ferrari F40 dans le garage ou voir mon fils courir, il n’y a pas de comparaison. Je préfère le voir courir qu’avoir une F40, je suis trop vieux pour la conduire". Un état d’esprit qui résume bien ce que sont les Alesi. De vrais passionnés. Parti de rien, pour arriver au sommet de la discipline reine du sport automobile, Jean Alesi connaît mieux que quiconque le sens du mot sacrifice. 

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Nicolas Laperruque