23 mai 2020

Niki Lauda, une vie en l'air. L'histoire du Lauda patron de compagnie aérienne.


Il y a un an, Niki Lauda nous quittait. On a tout dit sur l’immense champion de F1. Mais saviez vous à quel point il était passionné d’aviation? Et comment il a résolu quasiment tout seul l’enquête d’un crash aérien? Voici l’histoire du Niki Lauda, patron de compagnie aérienne. 

Andreas Nikolaus Lauda, plus connu sous le nom de Niki Lauda, c'est évidemment 3 titres de champion du monde de F1, 25 victoires dans la discipline, deux des plus gros come back de l'histoire du sport auto en 1976, après un dramatique accident et en 1982 après une retraite, un surnom :  "l'ordinateur", deux greffes de reins, quelques épouses,  et quelques mois après une transplantation des poumons, la fin. 
Celui qui s’était relevé 100 fois n’était finalement pas immortel. Lauda  a vécu tous les drames et toutes les joies, mais son plus grand drame n’est pas forcément celui qu’on pense. On vous raconte l’histoire du Lauda passionné d’aviation. 

Une passion pour les airs 
Raconter l'histoire du Lauda aviateur, cela me trottait dans la tête depuis longtemps, mais comme souvent pour les idées d'articles, on y pense, on traite un autre sujet, puis on oublie. C'est lors d'un voyage en Autriche, il y a quelques mois avec Honda que l'idée s'est rappelée à moi. En atterrissant à Vienne, après un vol "épique", je me suis rappelé que c'était le fief d'une légende de la Formule 1, et qu'il y avait de quoi raconter.  
Alors qu'il était encore un jeune pilote de F1, Niki aimait également piloter ses propres avions. Une passion dévorante, qui le pousse à créer sa propre compagnie aérienne, Lauda Air, en 1978

Mozart, le drame de sa vie 

Le 26 mai 1991, Niki reçoit un appel qui lui glace le sang instantanément. Au bout du fil, une voix de femme lui annonce qu'un de ses avions vient de se crasher en Thaïlande. Ne voulant y croire, il demande à son personnel de contacter "Mozart", nom de code de l'avion qui effectue le trajet Vienne-Bangkok, via Hong Kong. Les tentatives de joindre l'équipage restent sans réponse, et petit à petit, l'autrichien s'enfonce dans son fauteuil, sentant le sol se dérober sous son bureau. L'avion s'est écrasé dans une région montagneuse, 233 passagers sont morts sur le coup, ainsi que 10 membres d'équipage. 
Dans les heures qui suivent, Lauda s'envole pour la Thaïlande. Les autorités l'attendent mais surtout il a besoin de voir, pour tenter de comprendre ce qui s'est passé. Une fois à Bangkok, il est transporté en hélico près de la frontière avec la Birmanie, région du drame. S'ensuit un long trajet en voiture, la zone du crash étant inaccessible ou presque. A un moment Niki reconnaît par la vitre du véhicule des serviettes au sol. Ces serviettes lui sont familières et pour cause ce sont celles distribuées dans les avions de sa compagnie. "A cet instant j'ai compris. C'était bien réel, pendant les kilomètres qui ont suivi, nous n'avons cessé de voir des débris de l'avion". 
Une fois sur place, c'est une vision d'horreur qui attend l'ex-pilote de F1. Niki marche au milieu des débris, entouré de cadavres. "C'était un bordel sans nom, je voyais des habitants se hâter pour ramasser des bagues, des bijoux sur des cadavres au milieu de la jungle. Ils remplissaient des sacs, avec tout et n'importe quoi. Je les ai vu ramasser les sacs à main des membres de l'équipage, des personnes que je connaissais très bien. C'était horrible. Je n'oublierai jamais cette vision."

Lauda enquêteur

Malgré l'émotion, Niki n'a qu'un objectif, et il est très clair : trouver la cause de l'accident. Quand les réacteurs sont finalement retrouvés à 2 kilomètres du fuselage de l'appareil, un détail lui saute aux yeux. Un des deux moteurs est en position "inversion de poussée" tandis que l'autre ne l'était pas. Aussitôt il interroge les enquêteurs, et malgré leur réponse évasive, ce détail va l'obséder. Imaginer la scène d'un Niki Lauda menant l'enquête au milieu de débris peut sembler dingue, mais la suite va lui donner raison. 
Dans les mois qui suivent, l'homme de 42 ans reçoit chaque jours une quinzaine d'appels des familles de victimes. Chacun de ces appels conforte Niki dans la recherche des causes de l'accident. Pour Lauda les choses sont claires "je me suis rendu compte que le plus important pour les familles c'était de savoir pourquoi c'était arrivé. J'étais certain d'une chose : si la responsabilité de Lauda Air était prouvée, je devais démissionner immédiatement. Je n'avais pas réussi à emmener des passagers d'un point A à un point B, cette réalité m'obsédait". 
Lauda fait le forcing auprès de Boeing pendant des mois pour qu'on mette à sa disposition un simulateur de vol. Chez le constructeur de l'avion, les tests s'enchaînent pour essayer de reproduire toutes les combinaisons de pannes possibles qui pourraient provoquer une inversion de poussée d'un des deux réacteurs. Les boîtes noires de l'appareil sont détruites à l'exception de celle où  on entend la conversation des pilotes. Sur celle ci on entend l'équipage quelques secondes avant le vol se rendre compte de cette inversion. Un jour, alors que Niki assiste à l'enterrement des 23 dernières victimes n'ayant pas pu être identifiées individuellement, il reçoit un coup de fil de Boeing. Après 8 mois et des milliers de combinaisons de pannes fictives testées, on vient de trouver l'erreur de conception. Un joint torique défectueux, associé à deux circuits électriques passant par le même câble et tous les deux en court circuit ont suffit à déclencher l'inversion de la poussée des réacteurs.

 

S'engage alors un long bras de fer Lauda-Boeing, le constructeur traînant des pieds pour reconnaître son erreur. La publicité faite par le champion dans la presse fera plier le géant américain. Des tests effectués en conditions réelles par la Nasa prouveront que les chances qu'un équipage puisse redresser l'avion dans ces conditions étaient quasi nulles. Niki Lauda est soulagé, la responsabilité de l'accident repose sur les épaules de Boeing. 
Selon l'enquête officielle Thaïlandaise pourtant, tout n'est pas aussi rose. Un rapport accable en effet la compagnie qui n'aurait pas fait preuve d'une totale transparence.  Premièrement, il émet des réserves sur l'entretien de "Mozart" qui ne correspondait pas toujours aux préconisations de Boeing. Le rapport fait également état du voyant d'alerte d'inverseur de poussée qui se serait déclenché à 61 reprises dans les mois précédent l'accident sans que personne ne s'en inquiète. 
Si cela ne suffisait pas, dans un autre rapport sorti en 1994, un expert autrichien évoque des dossiers importants étant restés plus de 10 jours dans les mains de Lauda Air et n'ayant finalement été cédés aux enquêteurs que suite à une injonction de la justice et une menace de perquisition. Suite à ce rapport, certains imaginent que la compagnie ai pu pendant ce laps de temps faire disparaître certaines traces de manquements à la sécurité des dossiers. Comme souvent dans ce genre de drames, et devant la complexité d'un crash aérien, il devient très compliqué d'émettre une hypothèse claire des circonstances. 
La compagnie sera blanchie mais cet événement tragique marquera à tout jamais Niki Lauda et le suivra jusqu'à la fin. Alors que dans l'esprit des commentateurs sportifs et des biographes, l'accident du Nürburgring apparaît souvent comme le drame de sa vie, Niki prendra toujours soin de préciser que ceci n'était rien comparé à la douleur de voir un de ses avions de ligne se crasher. 
Ce drame et la détermination de Lauda auront au moins un effet positif, tous les Boeing 767 ont désormais un verrou mécanique empêchant cette inversion de poussée intempestive. 

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Fin de Lauda Air 
Malgré cette catastrophe aérienne, jusqu'en 1999, Lauda Air fait figure de success story. 1800 employés, un patron star du sport automobile, qui n'hésite pas à prendre lui même les commandes des long-courriers de la compagnie et une réussite saluée par le monde des affaires. 
La chute sera vertigineuse. Cette année là Niki Lauda annonce pour la première fois un résultat déficitaire. La société dont il possède encore 29 % des actions, (Austrian Airlines en détenant 36%, Lufthansa 20%, le reste étant réparti dans le public) s'enfonce dans la crise. Pour l'exercice suivant, Lauda annonce des pertes de 75 millions de francs de l'époque. Avant même la fin d'année civile, une séance extraordinaire du conseil d'administration de Lauda Air pousse le champion dehors. C'est la suite logique, d'un rapport de la société de révision KPMG qui dénonce de graves irrégularités de gestion. Il se dit alors que les pertes seraient en fait sous évaluées et atteindraient les 125 millions. 
Cet épisode est un vrai coup dur pour Niki, qui déclare alors :"souffrir comme un chien" au moment où il se voit déposséder de la compagnie qu'il a lui même créé. Mais le pilote à de l'orgueil,  alors que les nouveaux patrons lui ont formellement interdit d'approcher un avion de Lauda Air, il se rend à l'aéroport de Vienne avec une idée derrière la tête. Comme il dispose encore de tous ses badges et de ses accréditations, il s'inscrit comme pilote sur le vol pour Miami et dans un ultime pied de nez effectue son dernier vol à l'insu de ceux qui l'ont mis dehors. 

Niki n’abandonne jamais 

Contre toute attente, le virus de l’aviation n’a jamais quitté Lauda. Il revient en 2003 en lançant Niki en s’associant avec Air Berlin. En 2011, Air Berlin prend le contrôle de l’ensemble en devenant l’unique propriétaire. Pourtant la disparition, 6 ans plus tard d’Air Berlin permet à Lauda de reprendre la main. Lauda détiendra des parts de la compagnie, jusqu'à fin 2018. 
Lauda reste aujourd’hui un exemple de ténacité, y compris dans l’aviation. Mieux, sa stratégie à fait école. En s’associant avec de grosses compagnies, il a réinventé l’approche de la concurrence pour beaucoup de transporteurs disposant d’une toute petite flotte d’appareils. 

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