C'est l'histoire de Philipp, un jeune homme d'origine allemande qui tombe amoureux d'une BMW à 300€ sur ebay. Mais c'est bien joli d'acheter des voitures, il faut aussi aller les chercher. Histoire épique d'un road-trip en voiture fantôme. 

Retrouvez la version audio ( Podcast de cet article à la fin de cette page )

Philipp est un de nos fidèles lecteurs. Bercé par la passion automobile depuis tout petit, il a toujours été inspiré par la marque à l’hélice, BMW. Très tôt, il lui fallait posséder une BMW. Il aura ainsi six BMW Série 3 E30, une 315 E21, et une E28 au moment de cette anecdote qu’il nous a raconté. 

Cadeau d’anniversaire 
C’est au début de l’année 2008 que Philip découvre sur ebay.fr une BMW E21 320, quatre cylindres, rouge, année modèle 1976 avec sa calandre dotée de quatre phares jaunes et un seul rétroviseur chromé. Certes la voiture ne semble pas neuve, elle a visiblement reçu des coups. Sur la photo de l’annonce, on distingue le capot, le pare-chocs, le bouclier et la calandre légèrement pliés. Visiblement il faudra également prévoir un phare. Dans l’annonce le vendeur indique bien, que la voiture sera vendue sans batterie, sans les roues et évidemment sans contrôle technique mais elle possède un avantage non négligeable : c’est une première main. Deuxième argument : elle est vendue au plus offrant, c’est à dire 300€ ! Troisième argument, Philip fête cette année là avec son frère jumeau, leurs 30 ans. Cette BMW ferait un beau cadeau commun. 

Affaire rondement menée 
Philipp ne peut laisser passer une occasion pareille. Il saute sur le téléphone pour appeler Simon son frère. L’accord du frangin  ne met pas longtemps à tomber et 1 mn et 33 secondes plus tard, le vendeur explique à Philipp que la Béhème est toujours disponible. Seul petite contradiction, ce collectionneur a tout de même prêté le volant de la BM à sa fille de 16 ans, au cinquième sous-sol d’un parking souterrain du 9ème arrondissement de Paris “pour qu’elle se fasse la main”. Résultat, la petite apprentie a heurté un poteau du parking, cela commence bien ! 

Préparation de l’expédition 
Mais peu importe, le rdv est pris pour le premier samedi matin du mois de mars, pour aller chercher cette merveille de l'industrie automobile allemande. Philipp procède au virement des 300€ et se met en quête d’un lot de pièces de E21, qu’il trouve finalement à 40 km de chez lui. Notre ami allemand revient avec un capot blanc, un jeu de phares jaune doubles, un pare choc chromé, un bouclier, et quatre roues complètes. Le tout est chargé dans sa Citroën XM (oui Monsieur est connaisseur) pour la modique somme de 150€. Le frère complète la panoplie nécessaire au rapatriement de la BMW avec une batterie de réserve. 

Tout va bien, ou presque 
Philipp nous raconte : “Je ne me souviens plus exactement ce qui s’est passé, mais ce qui est sûr c’est que les emmerdes ont commencé dès notre départ.”Nous sommes le fameux samedi matin, notre ami balance un simple mail à son assureur, sans accusé de réception ni réponse, avant de partir pour assurer la BMW. Monsieur est confiant au moment de se garer chez son frère. A son arrivée, celui ci est en train de bidouiller sur son Opel Vectra C 1.7 td, verte bouteille, le capot ouvert. C’est elle qui va les conduire à Paris. Petit problème, la batterie de secours destinée à la E21 étant à plat, il permute les batteries en comptant la charger en roulant. La neige commence à tomber, Simon ferme le capot en oubliant de retirer la clé de 13 qui vient bloquer le capot. 

Le grand départ 
Trente minutes plus tard, les deux frères partent enfin avec les mains toutes noires, quatre roues de E21 à bord, et la batterie habituellement dans la Vectra dans le coffre. Il est 7h du mat près de Saint-Pierre de Cormeilles, en Haute Normandie. Nos amis arrivent chez le propriétaire de la voiture à Paris vers 10 h. Celui ci les accompagnent jusqu’au cinquième sous-sol. La Vectra fait face à la bavaroise, Philipp et Simon sortent les roues, et la batterie censée se recharger en roulant. 

Elle est là ! 
C’est alors que les deux frangins voient enfin cette fameuse E21. Le dernier contrôle technique date de 2001, une belle  épaisseur de poussière recouvre la voiture au point de la faire ressembler à un fantôme. Une ambiance glauque renforcée par les néons du sous-sol apportant une lumière cruelle et blafarde sur la dernière acquisition des frangins. 
Côté entretien, pas de surprise, la dernière vidange a dix ans, le pare-brise est fissuré sur quarante centimètres et pour couronner le tout, le capot ne tient qu’avec une sangle fixée à la calandre. L’excitation rendant presque les deux frères aveugles sur l’état de la voiture, ils signent la cession de vente, installent la batterie et montent les roues sur la BMW. Les pneus ne sont pas de première jeunesse mais il en faudrait plus pour entamer leur moral. La batterie de secours est également montée sur le carrosse mais cette dernière  est totalement vide et ne s’est pas chargée en roulant comme prévu. Evidemment. 

Elle démarre ! 
Pendant ce temps là le propriétaire lui, semble impatient d’en finir et de voir enfin partir cette vieille chignole. Heureusement pour lui, la voiture démarre. Le voyant de réserve s’allume dans un orange foncé et les gars quittent le sous-sol parisien. La transmission de la voiture ronronne comme un bus scolaire mais Philipp reconnaît ce bruit typique peut enfin sourire. Tout va bien, la voiture démarre, il suffit de rentrer en Normandie. 
A la sortie du parking, nos deux compères font rapidement le point “Il faut absolument mettre de l’essence tout de suite, le réservoir est vide et de l’essence neuve lui fera pas de mal. On en profitera pour la laver un peu”. Philipp se met donc à suivre son frère dans Paris. La voiture  fantôme de 1976 se mêle alors aux voitures modernes de la métropole francilienne. Les deux frères évoluent avec la peur au ventre de se faire arrêter par la Police à tout moment. Il faut dire qu’il y aurait de quoi, entre l’absence de carte verte, de contrôle technique et des plaques d’immatriculation noires en 75 d’époque. 

La traversée de Paris 
Rapidement la BMW est prise dans les bouchons et rappelle aux frères un élément important : “C’est pas aujourd’hui le défilé de la flamme olympique pour l’inauguration des JO de Pékin?”. Pendant ce temps là le voyant de réserve est toujours désespérément allumé, les résidus d’huile sous le capot se mettent à fumer formant rapidement un épais panache gris. A l’intérieur de la voiture c’est la panique. L'excitation du départ laisse place à la crise d’angoisse. Philipp fait un signe de la main à son frère lui signifiant que c’est terminé. La voiture a lâché. 
Contre toute attente pourtant, 20 minutes plus tard qui leur paraissent une éternité,  la BMW parvient à quitter le périphérique, moteur toujours tournant, et fumant. Evidemment les deux frangins n’ont toujours pas croisé de station essence et la situation devient périlleuse. C’est alors qu’ils repèrent enfin le Saint-Graal : le panneau d’une station Esso ! Le coeur de Philipp au bord de l’explosion depuis le départ, se met enfin à ralentir. La BM va enfin avoir le droit à son plein d’essence. 

La BMW n’aime pas le lavage 
Première étape réussie ! Philipp raconte : “Nous en profitons pour la laver à la station afin d’effacer un minimum son allure poussiéreuse et accidentée pour éviter d’attirer les regards. Je faisais minutieusement attention de ne pas arroser le phare cassé. La voiture propre, je mets le contact et me rends compte très rapidement que des fusibles ont cramés avec le lavage. Le démarreur ne fonctionne pas non plus. Heureusement la station avait des vieux fusibles et nous achetons les deux boîtes restantes. Il faut maintenant repartir. Simon prend alors l’initiative de pousser la BMW avec la Vectra. Victoire ! Elle démarre !”. 

Direction Normandie ! 
La voiture démarre certes,  mais elle n’a désormais plus d’éclairage, plus de clignotants, plus de feu de stop, plus de ralenti, ni de balais d’essuis glaces. Philipp a de nouveau la gorge serrée. Les frères quittent la station et repartent sur le périphérique. Dès que Philipp freine ou lève le pied droit de l’accélérateur, la voiture cale. Elle ne tient plus du tout son ralenti. Il faut donc garder en permanence le pied sur l’accélérateur, en freinant avec le frein à main uniquement. Derrière, Simon dans la Vectra scrute chaque signe de la main afin de venir pousser la BMW en toute discrétion à chaque fois que la BMW cale. Philipp et Simon suivent les panneaux Rouen et se retrouvent à la Défense avec “la défoncée”. Quand le périphérique mène la BMW dans un tunnel, celle ci n’a pas d’éclairage, ni même de clignotants pour changer de voie. La voiture cale à nouveau, la Vectra pousse la carcasse fumante. Les deux frères s’observent, se font signe, se comprennent. Simon dans la Vectra gère les clignotants avec la Vectra. 

Autoroute 
Ce que notre ami craint le plus désormais, c’est le passage à la gare de péage de l’A28 et la possibilité d’un contrôle de  Gendarmerie. La neige continue de tomber, mais les essuie-glaces ne fonctionnent pas et Philip est obligé de descendre la vitre pour tenter de voir un peu ce qui se passe devant. Le tout évidemment avec la buée qui recouvre toutes les vitres. La suite du trajet se passe miraculeusement bien. La voiture est arrivée à la campagne après 250 km effectués en cinq heures et demie. 
Six mois plus tard, après beaucoup de temps et de passion, la BMW E21 est métamorphosée et semble échappée d’un prospectus d’époque. Le contrôle technique est passé sans encombres après une belle restauration. Un an plus tard, Philippe la revendra à prix cadeau (seulement 1500€) à un Italien venu en avion avec sa copine. Il rentrera à Turin par la route. 

Philipp Schneider 
Nicolas Laperruque 
Merci à Aurélie Schneider pour l’adaptation et à Philipp pour ce témoignage 

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