13 juillet 2020

Essai : est ce que la Porsche Taycan Turbo S, 761 ch est une vraie Porsche?


Pour la première fois de son histoire, Porsche lance une voiture électrique. Le symbole est fort, la voiture est belle. Mais qu’apporte cette Taycan, huit ans après la sortie de la Model S, inévitable concurrente? Surtout, est-ce une vraie Porsche? Nous l’avons vérifié au cours d’un long et enrichissant essai de la version Turbo S. Au menu le circuit Bugatti, les routes du Perche, 761 ch et 600 km d’essai pour ne pas en louper une miette. 

Retrouvez la version audio ( Podcast de cet article à la fin de cette page )

Centre Experience Center

Notre essai commence de la plus belle des manières, sur le circuit des 24 Heures du Mans. Nous avons rendez-vous au Porsche Experience Center, situé en bordure de la mythique piste. L’endroit est bien sympa avec son restaurant, ses voitures exposées, son mur des champions, sa boutique et sa vue imprenable sur le circuit. C’est un des plus beaux endroits pour regarder la course avec le panoramic 24 situé au dessus de la ligne droite. Pour une fois je ne vais pas me contenter de faire le tour du bâtiment, mais je vais enfin piloter une Porsche au Mans, et pas n’importe laquelle ! 

Une révolution stratégique 

Au premier contact, la Taycan en impose. Visuellement c’est une vraie Porsche avec son capot plongeant, ses ailes rebondies et sa  hauteur limitée. Les phares, qui ne sont pas ronds, comme le veut la tradition du constructeur allemand, surprennent. Cette Porsche serait-elle différente des autres? Oui, la Taycan fait même office de révolution dans la gamme. C’est la première Porsche 100% électrique. Un changement stratégique opéré en 2015 avec la présentation du Concept E, dont la Taycan est la copie quasi conforme. Preuve supplémentaire que l’électrification est un passage obligé, la Taycan se veut le premier pion d’une gamme Porsche électrique. Mais peut-elle séduire le client de la marque habitué à des performances de premier plan et à la mélodie du Flat 6? Une clientèle exigeante, qui déteste plus que tout que l’on touche au mythe. Les lancements des 924, 928 ou 944 ont, dans le passé, étaient vécus comme des traumatismes par le Porschiste de base, qui ne jure que par la 911. Mais, depuis de l’eau a coulé sous les ponts. Le Boxster, et surtout le Cayenne ont élargi le spectre de ce que doit être une Porsche. 

La Taycan, une vraie Porsche? 

Le premier élément de réponse tient dans la position de conduite, et la vue. Une fois assis à bord, l’ambiance est préservée. On pourrait se croire dans une 911. Les deux bosses de chaque côté du capot distillent cette atmosphère unique. Les matériaux, l’ergonomie, les commandes, sont typiquement Porsche. C’est à dire que rien n’a été laissé au hasard. Si on avait que ça à foutre on pourrait s’extasier pendant une heure sur la finition parfaite de la commande de boîte, ou sur la qualité du cuir rouge étendu. Rouge sur rouge, rien ne bouge. Il est temps de vérifier ce qu’elle a dans le ventre. Mais cela se mérite et on va nous faire découvrir la bestiole petit à petit pour cette première matinée. 

Maniable? 

Evidemment, l’absence de bruit au démarrage casse un peu le mythe. Mais on y reviendra plus tard, le sujet du bruit du Taycan va nous surprendre. En attendant, Porsche a prévu de nous faire participer à quelques ateliers. Le premier d’entre eux consiste à un slalom à parcourir avec les différents modes de conduite. L’idée ici n’est pas de rouler vite mais de faire le parcours sans renverser de plot orange. Le but étant de nous faire comprendre que cette Porsche est très agile. En vérité, dès le premier virage, les sentiments sont mitigés. On sent le poids, bien présent, mais pour autant l’inertie est quasi nulle et le comportement ne semble pas s’émouvoir des 2,3 tonnes du Taycan. Finalement c’est plus l’encombrement de la voiture qui renforce la difficulté. Le second atelier consiste à faire un autre slalom, mais cette fois ci sur une piste glissante, arrosée en permanence. Avec toutes les aides déconnectées, ça glisse fort, mais je ne connais pas beaucoup de voitures de 761 ch qui s’en sortirait aussi bien. J’en connais pas en fait. 

The Rocket is on the launch pad

C’est le dernier exercice avant de pouvoir tourner comme des grands sur le circuit. Le launch control consiste à démarrer le plus vite possible. C’est pas compliqué, c’est pas bien fin, mais ça fait toujours son petit effet. Si, comme moi vous aimez mettre la misère à tout le monde en sortie de péage, cet exercice est pour vous. Sur la Taycan, il existe donc un mode “spécial bourrins” destiné à transformer la déjà très violente berline électrique, en missile intercontinental. La procédure est simple : il suffit de presser simultanément la pédale de frein et d’accélérateur, et le mode s’active. Au moment souhaité, vous lâchez le pied du frein et le Taycan s’envolera. 

Three, two, one...

Le moniteur Porsche, vient frapper au carreau “Ah oui Niko, surtout, petit détail qui peut avoir son importance.. Ne lâche pas le frein si ta tête n’est pas bien posée sur l’appuie-tête. Y’a des gens qui se font mal”. Cette petite séance se déroule dans la ligne droite des stands, ce qui permet de maintenir l’accélération pendant quelques centaines de mètres. 
Je pose donc mon crâne contre l’appuie-tête, et d’un mouvement bref, je relache le pied de la pédale de frein. “Popopo !!! Ah ouais quand même !” Je suis pas un lapin de six semaines, j’ai déjà testé un paquet de launch control, dont à peu près tous les modèles Tesla, mais là, j’avoue que ça déménage sérieusement. Surtout, ce qui impressionne, en dehors de l’effet catapulte, c’est que l’accélération ne semble jamais vouloir faiblir. Le temps de réaliser, je suis arrivé au bout de la ligne droite. L’absence de bruit au démarrage peut surprendre, mais cette discrétion ne va pas durer. Dès les premières accélérations, le bruit du moteur électrique prend le dessus, comme dans une thermique, en plus feutré cependant. Une sonorité qui a été travaillée et qui pourra consoler les amateurs de Flat 6. J’ai posé la question que vous vous posez surement, oui il s’agit bien du bruit du moteur électrique que l’on entend, et non un “faux bruit” ajouté. 
Cette Porsche vient de confirmer ce que l’on savait déjà : c’est un vrai missile. On encaisse  1,3G au démarrage. Si vous avez le courage de ne pas lâcher la pression sur la pédale de droite, vous abattrez le 0 à 100 km/h en 2,4 secondes. Mais dans cet exercice, la botte secrète de Porsche tient dans la présence d’une boîte de vitesse deux rapports, là où une Tesla pour ne pas la citer, n’en dispose pas. 

 

Sur le circuit du Mans 

 

Les choses sérieuses peuvent commencer. Je vais tourner au Mans avec la Taycan Turbo S. Dans une 911 devant moi, un régional de l’étape, Vincent Capillaire. Le vainqueur du Volant Elf 1996 connaît une belle carrière en endurance, avec notamment 6 participations aux 24 Heures. Autant vous dire qu’il connaît bien les lieux. Vincent va me servir de poisson-pilote. Il part devant, je me colle dans son pare-choc arrière et je tente de le suivre. Dans la vraie vie, je pense que Vincent mettrait pas longtemps à me larguer si il en avait envie. L’avantage d’avoir Vincent devant est double. Comme je ne connais pas le circuit, je vais pouvoir observer de près ses trajectoires, les points de freinage ou les points de corde, et surtout le gars va vite comprendre à qui il a à faire. Après un tour d’observation, je profite de la ligne droite pour me rapprocher, pour lui signifier que je me sens prêt à tabasser un peu. 

Une Taycan facile 

Il faut dire que cette Taycan met vite en confiance. D’un côté la philosophie est très sportive, de l’autre les dérives se font naturelles, la direction est parfaitement calibrée, et tout cela deviendrait presque facile. J’ai pas peur de perdre le contrôle, je comprend au bout du premier tour rapide que je ne la mettrais pas dans le rail. Tout simplement parce que je serais pas assez rapide pour atteindre ses limites. Le centre de gravité, plus bas que celui d’une 911, impressionne. Les freins sont à la hauteur de la réputation de la marque, puissants et endurants. Les Taycan tourneront pendant des heures sans que l’efficacité des disques ne soit remise en cause, malgré la chaleur. 

“On hausse le rythme”

Dans le casque j’entend un “c’est bien, ça !”, “Allez on hausse le rythme du coup”. J’ai rarement pris autant de plaisir sur circuit avec une voiture aussi grosse. C’est le premier enseignement à tirer de cette session circuit. On ne sent pas les 2,3 tonnes de l’ensemble. Ni dans le transfert de masse, ni dans l’inertie, ni dans le freinage. On est au volant d’une vraie bonne sportive. Et si je ressors rincé de ces quelques tours du Bugatti, c’est pas parce que la voiture est difficile, mais parce que pilote est un métier. Enchaîner les tours de circuit en roulant “un peu vite” n’est pas très compliqué, dès lors qu’on a acquis les quelques règles et automatisme de base, comme le freinage dégressif par exemple. Mais la différence avec un pilote tient dans la faculté à rester concentré plus de 10 minutes. Ah oui il y a une autre différence aussi, c’est le chrono… De retour au stand, Vincent sort en rigolant, “on s’est bien marré !” Bon, si même lui a aimé c’est que les Porsche sont toujours des Porsche. 

Un vrai essai 

Il nous reste deux jours d’essais à parcourir sur les routes du Perche. En regardant le programme je m’aperçois qu’on va vraiment rouler. Porsche fait partie des constructeurs qui ont compris une chose primordiale : on ne peut pas juger une voiture de ce niveau là en 50 bornes. Alors que les essais ont tendance à toujours se raccourcir, les allemands nous laissent une voiture chacun, de notre choix et rendez-vous dans 600 bornes. Je décide de faire équipe avec Clémence du site Les Enjoliveuses. Nous prendrons chacun une voiture, et roulons ensemble. L’occasion de conduire également une 911 Carrera 4 et de pouvoir avoir une référence thermique, en sautant d’une voiture à l’autre au grès des arrêts photo. 

Sur la route

En quittant le circuit, alors que je m’insère sur la rocade surplombant le circuit, je me fais une réflexion en regardant le compteur : ça va être bien compliqué de respecter les limitations de vitesse. Après 5 km, je revois mes ambitions à la baisse. L’objectif ne sera plus de ne pas prendre de PV, mais plutôt de ne pas se faire retirer le permis. Cela me semble plus atteignable, mais réclame tout de même une sacrée vigilance. Sur les portions autoroutières, difficile en effet de rester sous la barre des 169 km/h avec une telle puissance de feu. Sur les nationales, le 119 est quasiment impossible à tenir. Le pire, c’est que le bruit de cette Taycan est finalement très sympa quand on accélère. Un vrai pousse au crime. 

Un pousse au crime qui sait se montrer docile 

Passé quelques dizaines de kilomètres, cette envie légitime de faire le con laisse place à une conduite plus détendue. La Taycan est tout à fait capable de tenir une conduite normale. Finalement, l’électrique est aussi compatible avec une conduite confortable et souple. D’autant que je suis très bien installé, dans cette voiture basse. Moi qui adore conduire au ras du sol, je suis ravi. On peut traverser l’europe sans ressentir de fatigue particulière, en bénéficiant de la sono haut de gamme, en bon père de famille. Et avec une réserve de couple digne d’un avion de chasse, chaque dépassement se fera dans la sérénité la plus complète. A propos de traverser l’europe, je me charge où? 

On recharge comment? 

Annoncée avec une autonomie de 421 km, la Taycan tiendra cette promesse en utilisation normale. Mais reste la question récurrente avec toute voiture électrique, la recharge. Porsche mise sur le réseau naissant Ionity, mis en place avec un consortium de constructeurs automobiles. A notre arrivée à la station de charge, notre Taycan ne dispose plus que de 5% de batterie. Après 22 minutes, le temps de prendre un café, l’écran digital affiche 80%. Grâce à un débit de charge pouvant atteindre 270 kW, le plein devient presque aussi rapide que pour un véhicule thermique. Pour les plus pressés, cinq minutes de charge permettent de gagner 100 km d’autonomie. C’est parfait, c’est bluffant, c’est beau, mais ça reste toujours moins facile qu’avec un thermique. Là, on nous emmène évidemment sur une station où tout fonctionne. Je remarque d’ailleurs un mec en sweat noir, qui se tient en retrait depuis notre arrivée, tout en nous observant. Il me regarde, je le regarde, on se regarde, et je décide finalement d’aller lui demander ce qu’il fait là. Vérification faite, il s’agit bien d’un technicien Ionity venu s’assurer que tout fonctionne pendant que les journalistes font le plein de leur Porsche. C’est gentil, mais c’est pas très rassurant et ça tend à prouver que ça peut se mettre à déconner facilement. Les utilisateurs de V.E savent de quoi je veux parler, rouler en électrique reste une aventure incertaine. Avec la carte Porsche qui regroupe plusieurs réseaux, l’accès aux bornes Ionity se fait au tarif de 33 centimes le kWh. Cela nous met le plein à environ 30 euros. C’est pas cadeau, mais c’est moins cher que sur une Porsche thermique évidemment. A la maison, à raison d’un kWh EDF en heures creuses de 15 centimes, le plein de votre Taycan reviendra à environ 14 €. 

Bilan 

Utilisée comme un bon père de famille, la Taycan se montre confortable, avec un habitacle digne de la marque et toutes les aides à la conduite imaginables. En mode énervé, elle se transforme en missile. Comme une Tesla, sortie il y a huit ans? Oui, mais c’est au bout de la ligne droite que la Taycan prendra le large. Le comportement impérial et typé sport, la répartition idéale des masses, la sonorité du moteur électrique ou encore la puissance de freinage, en font une vraie sportive. La différence de philosophie avec une Tesla est notoire. L'autre principale différence tient dans l'architecture 800 volts, unique à Porsche. Elle permet notamment d'éviter la surchauffe, et de solliciter davantage la Taycan qu'aucune autre voiture électrique. Porsche est une marque d'ingénieurs, et en 5 ans d'essais automobile, après avoir testé tout ce que le marché compte d'électrique, pour la première fois un constructeur commence sa conférence de presse en nous parlant du moteur électrique. C'est même la première fois qu'on me parle du moteur d'un véhicule électrique. Comme si sur les autres voitures, il avait disparu.  La Porsche Taycan mérite son blason. A 189 162€ en version Turbo S, nous n’en attendions pas moins, surtout avec un catalogue d’options long comme l’annuaire de Stuttgart. Mais une chose est certaine, la Taycan est une vraie Porsche ! Et ça nous plaît !

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Fiche technique Porsche Taycan Turbo S

Deux moteurs électriques synchrone 761 ch en cumulé
Batterie lithium-ion 
Autonomie : 412 km 
Vitesse maximale : 260 km/h 
0 à 100 km/h : 2.8 s
Dimensions : 
Longueur : 4.96 m
Largeur 1.97 m
Hauteur : 1.38 m
CX : 0.22
Poids à vide : 2295 kg 
Tarif : 189 152 €
Gamme Taycan à partir de : 108 632€ 

Nicolas Laperruque 

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