14 janvier 2021

L’histoire improbable du nouveau Lada Niva

Renault a présenté ce matin la première image du futur Lada Niva. Ce n'est pas la première fois qu'on trouve un successeur à cet authentique 4X4. En 43 ans de carrière, on a voulu le tuer cent fois. Mais le Niva sera encore là dans 10 ans. 

Je vous raconte cela en vidéo et en podcast à la fin de cet article.

En avance sur son temps 

Quand l’étude de ce qui deviendra le Niva est lancée, tout porte à croire que le 4X4 russe ressemblera à une Jeep Willys comme tous les 4x4 à travers le monde. On doit cette ligne inimitable et ce concept révolutionnaire pour l’époque à deux jeunes russes. L’ingénieur Piotr Prussov et le styliste Valeri Semushkine créent quelque chose de nouveau en couplant les capacités tout terrain d’une Jeep avec une carrosserie couverte de berline. 
Leur concept original fut rejeté aussitôt par la direction de l’usine, qui préférait la vision plus traditionnelle des ingénieurs senior. Indigné, Prussov fit une demande écrite pour être libéré du projet, ce qui ne se faisait pas trop dans l’URSS des années 70. Finalement, le chef du bureau d’étude de Avtovaz, Vladimir Soloviev pris finalement le parti des deux jeunes ingénieurs. Restait encore à convaincre les hautes instances du parti, ce qui ne fut pas une mince affaire. 
A sa sortie, le concept fait mouche et chez Lada on va se servir de ce véhicule en avance sur son temps pour conquérir le monde. En France, il fera le bonheur et la fortune de l'importateur Poch. Le Niva sera pendant 2 décennies le 4x4 le plus vendu en France. 

Evolutions 

Depuis son lancement, en 1977 on a l’habitude de dire du Niva qu’il n’a pas changé. C’est exact si on le compare à un Mercedes G, revu maintes fois de fond en comble, mais le Niva reçu tout de même quelques mises à jour ainsi que de grosses évolutions. 
En 1985, 8 ans après son lancement, il reçoit une boîte à 5 rapports. Il faut attendre 1994, pour que le vieux bloc d’origine Fiat cède sa place à un 1700 cm3, avec en europe et au canada une injection monopoint d’origine GM, suivie en 2000 d’une injection multipoints. Le Niva reçoit une nouvelle planche de bord et un nouvel hayon. Une version diesel avec le 1.9 litres d’origine Peugeot est commercialisée de 1993 à 1998 puis le Turbo D sur certains marchés à partir de 2001. 
En 2009, Lada présente la version M (comme modifications). Rendue obligatoire par les normes européennes, cette version en profite pour améliorer 250 points sur le véhicule même si le style est à peine revu. Le Niva reçoit même l’ABS et la climatisation ! Le plus gros restylage arrive en 2014 avec l’apparition de la version Urban.  Mais l’année 2019 voit l’apparition d’un tout nouvel intérieur, nettement plus accueillant et encore une fournée d’améliorations. De quoi confirmer la thèse que ce Lada 4X4 original n’est pas près de quitter les chaînes de montage russes. 

Tentatives de remplacement 

Chez Lada, on est réputés pour faire du neuf avec du vieux mais aussi pour faire trainer le remplacement des vieux modèles. Pourtant dès le début des années 80, on commence à réfléchir et à étudier celle qui devra tôt ou tard remplacer ce modèle vieillissant étudié dans les années 70.  La légende dit que les Japonais de Suzuki offrirent une brochure du nouveau Suzuki Vitara à Piotr Prussov, concepteur du Niva avec ces mots “Merci au parrain de notre voiture”. Le Lada n’était plus seul et une vague de petits 4X4 japonais envahissait tous les pays. Un premier prototype, destiné à remplacer le Niva est présenté à la direction, sans aucune suite. En 1986, chez Avtovaz, on vient de sortir la Samara et les bureaux d’étude de la marque sont à nouveau disponibles pour créer une descendante au rustique franchisseur. Le prototype est très moderne, loin des lignes du Niva mais les procédures sont longues, les décisions mettent des années à tomber et surtout le rythme à Togliatti n’est pas le même que dans l’industrie européenne ou japonaise. 
Ce “SUV”vous rappelle quelque chose ? En effet, il semblerait que ce dessin ne fut pas perdu pour tout le monde, tant il ressemble au Honda CRV “Joy machine” qui sortira quelques années plus tard. 
10 ans après son lancement, le Niva a déjà tué deux successeurs potentiels. 

2123, successeur ou presque 

Au début des années 90, la marque connaît une vraie traversée du désert. Premièrement la chute du mur provoque un véritable séisme dans l’entreprise, le marché européen se met à bouder les produits Lada, faute de renouvellement. Pire, les modèles censés renouveler la gamme sont repoussés d’années en années à l’image de la berline 2110 qui mettra des années à être industrialisée. Pourtant on continue à chercher un remplaçant au Niva. Ce sera le 2123, mais à quoi doit il ressembler ? 
Les grandes lignes du projet 2123 ont vu le jour lors d’une réunion au centre de style le 17 novembre 1987. Cela ne signifie pas pour autant que les lignes du New Niva étaient figées. En août 1991, l’usine commande un projet “pour le développement d’un véhicule à quatre roues motrices VAZ-2123. Le projet doit être terminé pour le premier trimestre 1992, délai impossible à tenir. L’objectif est simple, moderniser l’apparence du Niva tout en conservant ses capacités de franchissement. Les réunions se succèdent, on étudie plusieurs pistes ambitieuses mais finalement le budget aura raison de toutes ces coûteuses solutions. Le Niva 2123 reprendra le châssis, le moteur et la transmission du Lada 2121. En 1994, le style est figé et validé par le bureau de direction d’Avtovaz et un premier proto avec toutes les spécifications définitives est présenté le 27 janvier 1995. 
Chez Lada on annonce une mise en production d’ici 1998 avec 90 000 voitures par an dès 2000. Cette fois c’est certain, nous allons assister à la fin du Niva original après plus de 20 ans de carrière. 

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Un remplaçant pour le Niva 

Si effectivement la production est lancée, c’est au compte goutte et seulement dans l’atelier OPP destiné à produire des petites séries. Les mois passent et chez Lada on est bien incapables d’assumer seul l’industrialisation du nouveau Niva. Un accord est trouvé avec General Motors et une coentreprise est crée sous le nom de GM-AVTOVAZ. Le nouveau Niva sera produit par cette entité, dans une usine financée par les américains. Première conséquence, le nouveau Niva sera vendu sous le nom Chevrolet Niva, deuxième conséquence, rien ne presse pour retirer l’original des lignes d’assemblage. On se dit que le Niva original, rebaptisé 4x4 va finir tranquillement sa carrière. En attendant il termine le siècle avec toujours autant de succès. 
Vous arrivez à suivre? Il y a donc à partir de cet instant le Niva original, rebaptisé “4X4” à gauche, et assemblé à quelques centaines de mètres dans une nouvelle usine, le Chevrolet “Niva”. 

Elevé au rang de légende roulante 

D’année en année le Niva original reste au catalogue et devance même le Chevrolet Niva, censé le remplacer, en terme de ventes. Quand Renault prend le contrôle de Lada en 2007, ils récupèrent le bébé. Le franchiseur est rentabilisé depuis au moins 25 ans, la demande est soutenue, rien ne presse. Il faut réorganiser l’entreprise, tout repenser de fond en comble, développer une nouvelle gamme. Chez Lada, on sort les Kalina 2, les Granta, la L'argus, puis les modernes Vesta et X-Ray. La marque est sauvée, sous l’impulsion d’un nouveau patron Suédois aux méthodes musclées. 
Dans le Business plan Lada 2020, il est écrit noir sur blanc que le 4X4 sera remplacé par un tout nouveau modèle d’ici...2014. 
En 2017, non seulement il est toujours produit mais on célèbre ses 40 ans avec une série spéciale. L’occasion tout de même de communiquer sur l’avenir. Un nouveau modèle arrivera en 2018 et l’actuel Niva ne sera plus modernisé d’avantage d’ici là. Quelques mois plus tard la date de remplacement annoncée passe à 2021...

Un Duster Bis ? 

En russie, la succession du 4X4 prend des allures de cause nationale. La présentation du 4x4 Vision met fin au suspense mais pas aux commentaires. Le concept car ne reprend pas grand chose du Niva original, et nombreux sont les sceptiques. 
Steeve Mattin, responsable du style Lada et papa des X-Ray et Vesta, se confiait il y a peu sur ce challenge : “Succéder à une telle légende sera difficile. Le Niva possède un ADN très fort avec des spécificités qu’il faudra conserver. La position des clignotants par exemple est unique, le profil également. Mais il faudra incorporer ces marqueurs du Niva original dans le X design de la marque.” 

Rebondissement, GM quitte le navire 

L’année dernière, General Motors annonce avoir vendu sa participation dans la co-entreprise “GM-Avtovaz” qui produisait le Chevrolet Niva. Lada rachète la part de son partenaire américain pour un montant ridiculement bas de 5,9 millions d’euros. La vérité étant que GM n’avait pas d’autre options, et souhaitait quitter la russie. 

Mais que récupère Renault pour ce prix? 

En plus de l’usine qu’ils avaient en commun, Lada et donc le groupe Renault récupère une filiale censée produire les carrosseries d’un hypothétique futur modèle, mais aussi...les droits commerciaux sur les marques Niva, en écriture latine et cyrillique, qui appartenaient à GM-AvtoVAZ depuis 2001. Première conséquence, Lada récupère donc l'appellation Niva. Deuxième conséquence, Lada récupère le “Chevrolet Niva”. Dans un premier temps, la commercialisation est rapatriée dans le réseau Lada. Situation assez ubuesque, puisque les modèles vendus pendant plusieurs mois sont toujours badgés Chevrolet ! Une situation qui ne pouvait pas durer indéfiniment.

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Niva Legend, Niva Travel, Niva Vision 

Dernièrement tout s’est accéléré. On récapitule : 

Le Lada Niva 2121 original, sorti en 1977 est toujours produit et s’appelle désormais “Lada Legend”. 


Celui qui devait le remplacer, le 2123, qui aura fait l’essentiel de sa carrière sous l’appelation “Chevrolet Niva”, est revenu dans la gamme Lada et se nomme désormais “Lada Niva Travel”. Il a été profondémment restylé en début d'année et reçoit une face avant inédite. Une refonte que Lada a trouvé dans la corbeille de la mariée au moment de racheter les droits et la production du Niva. 


Le remplaçant mille fois annoncé, mille fois reporté, a été aperçu ce matin dans la conférence de presse Renault sur son plan “Renaulution”. Il reprend le blase de “Lada Vision”. Il est entièrement inédit et sera basé sur la nouvelle plateforme commune à Dacia. Renault parle d’un véhicule “culte” et “véritable couteau Suisse”. Ce futur Lada Niva Vision sera disponible en 3 et 5 portes. Il est désormais annoncé pour...2024, minimum. Un véhicule qu'on a peu de chances de voir arriver en Europe. Il semblerait même que les motorisations hybrides prévues pour le cousin Duster ne soient pas au programme chez Lada... Une façon d'écarter tout retour chez nous. 

Nicolas Laperruque 

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