29 mai 2020

Datsun meurt une seconde fois et c’est bien mérité !

En matière d’industrie automobile, les mauvaises idées naissent toujours le jour où on commence à prendre les clients pour ce qu’ils ne sont pas : des imbéciles. Voici l’histoire de la renaissance et la mort de Datsun.  Un cas d’école. 

Pour l’instant tout va bien, Carlos est un dieu, et Dacia cartonne. 

La renaissance du blason Datsun partait d’une bonne intention. Nous sommes au début des années 2010 et au sein de l’Alliance l’optimisme est de rigueur. Nissan a été redressé de façon spectaculaire par son tout puissant patron traité comme un dieu vivant, Carlos Ghosn. Du côté de Renault, le coup de génie se nomme Dacia. En rachetant trois francs six sous, en Roumanie, une usine de Renault 12 dans laquelle les ouvriers élèvent des moutons, les français ont fait une bonne affaire. On bâtit une usine toute neuve, et avec un mécano géant de pièces rentabilisées sur les précédentes Renault, on crée la Logan. Le succès est immédiat, et la marque low-cost déferle sur l’europe. Non seulement les Dacia se vendent comme des petits pains, mais ce sont les voitures les plus rentables du groupe. Voilà qui va donner des idées aux japonais. 

Nissan veut son Dacia 

Du côté japonais de l’alliance, on ne manque pas de s’agacer du succès inattendu de Dacia. En apparence tout va pour le mieux mais en coulisses, c’est un Nissan humilié par la quasi-faillite qui doit maintenant faire profil bas alors que la marque participe plus qu’à son tour dans les résultats du groupe. Pourquoi alors ne pas lancer sa propre marque low-cost? 
Les nippons n’iront pas chercher bien loin. Dans l’histoire du constructeur, le nom Datsun est encore présent dans les mémoires malgré son abandon en 1983 au profit de l'appellation Nissan. Plus efficace que de créer une marque nouvelle, on va sortir du formol l'appellation Datsun. Datsun sera à Nissan ce que Dacia est à Renault. Le dieu Carlos valide la chose, et en février 2013, on convoque la presse mondiale, pour leur présenter une véritable révolution. Non, en fait je déconne, ce jour là on présente...une calandre. Le truc parfait quand tu n’as rien à montrer. Circulez y’a rien à voir. 

Le modèle pour l'Inde

Des modèles inédits pour l’Inde .

Le 15 juillet 2013, soit un siècle après le premier modèle DAT à l’origine de la marque, Nissan, pardons Datsun relance sa marque en Inde avec la Datsun GO. Côté style, pas de quoi écrire à la famille mais la citadine fait le job, dans la plus pure tradition des modèles Nissan en asie. C’est une urbaine d’apparence moderne, reprenant l’apparence de ce qui vend dans le pays, mix entre une Micra et une Suzuki. L’essentiel étant de capter une partie de l’immense gâteau Indien, qui promet de devenir un des deux plus gros marchés mondiaux avec la Chine. Mais chez Datsun, il y a un autre marché énorme qui leur fait de l’oeil. 

Datsun à gauche, Lada à droite, choisis ton camp camarade

Renault Nissan, roi de Russie 

La Russie aussi présente une opportunité à ne pas louper. Le marché potentiel est énorme. Le taux d’équipement des russes est encore faible, et surtout l’état du parc roulant est désastreux. Si dans les villes, dont Moscou, le Russe se pavane en européenne flambant neuve, en campagne on fait ce qu’on peut avec ce dont on dispose. L’alliance est justement très implantée sur le marché Russe. Renault a racheté Avtovaz, l’usine géante qui produit les Lada. Avec un autre rachat, l’usine Moskvitch de Moscou, devenue Avtoframos, le constructeur français dispose d’énormes capacités de production dans le pays. L’objectif est clair, réaliser 40% de part de marché sur le sol russe. 22% avec la marque Lada historique leader, et le reste réparti entre Nissan, Renault et Infiniti. 
Nissan veut sa part du gâteau, ça tombe bien l’usine de Togliatti est largement sous exploitée. On va pouvoir y produire des Datsun. Attention, c’est à ce moment là que la mauvaise idée arrive. 

Datsun à gauche, Lada à droite. 

Datsun au pays des Soviets 

Lada n’a pas attendu le rachat par Renault pour commencer à dépoussiérer sa gamme. Pour enfin mettre un terme à la production des mythiques 2105/2107, le constructeur russe a mis au point sa Granta. Basée sur la plate-forme de la Kalina, elle est étudiée pour remplacer dans le coeur des russes les dérivés de Fiat 124 produits depuis...trop longtemps. Pour 5500€ le russe moyen peut s’offrir une nouveauté au style moderne. 
Datsun a besoin d’un modèle prêt à produire, qui coûtera rien en recherche et développement. On va replâtrer à la va-vite cette Granta, qui justement cartonne en tête des ventes du marché russe. Le discours de la marque nippone est simple : on s’adresse à une clientèle plus jeune, avec un produit, c’est promis, aux standards nippons. La Datsun sera une Lada Granta mieux présentée, mieux fabriquée, mieux en tout. Construite sur la même ligne d’assemblage de Togliatti que la Granta, elle ne s’en distingue que par un style pour le moins maladroit. Dès le lancement, tout le monde est pour le moins sceptique. La promesse sent le sapin. 

Datsun à gauche, Lada à droite, ça marche aussi avec la 4 portes 

Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages

Evidemment dès le départ, personne ne veut de cette Lada Datsun baptisée Datsun On-Do. Non seulement, elle n’apporte rien de nouveau au soleil, mais l’alliance va commettre toutes les erreurs possibles dans cette histoire. 
La première erreur est de croire que changer la calandre et la console centrale d’une voiture allait changer la perception que pourrait en avoir l’acheteur russe. Pour une bonne et simple raison : l’acheteur russe est très content d’acheter une Lada Granta. Leader du marché, elle se vend très bien et le client ne voit pas l'intérêt d’acheter son clone prétentieux. 
La seconde erreur sera l’absence quasi totale d’évolution de la gamme. Si au début on pouvait entendre que Datsun n’avait pas le temps de développer ses propres modèles, après quelques années, faute de nouveautés, la On-Do est toujours considérée comme un clone de Lada. Difficile de bâtir une image de marque solide dans ces conditions. 
Mettez vous à la place du russe moyen. Vous êtes français et demain Datsun arrive sur le marché hexagonal avec un clone de Renault Clio, sauvagement restylé et pas moins chère que l’original. Vous iriez l’acheter? 
La stratégie de Datsun était de s’adresser au client russe dont on supposerait, vu de Tokyo qu’il ai honte de rouler en Lada. Mais la Granta, vite devenue la voiture nationale par excellence est loin de faire honte à son conducteur, comme en témoignent ses chiffres de vente. Si tu as 5000€, tu achètes une Lada, parce que c’est la meilleure affaire à ce prix là, point barre. Rapidement c’est même l’effet inverse qui se produit. On se moque de ce clone maladroit qui ne dupe personne. 

Attention, plus dur : une Lada se cache parmi ces Datsun, sauras tu la retrouver? 

Quand ça veut pas...

Pour bien faire, le lancement de Datsun va coïncider  avec le début d'un ralentissement du marché. Si en 2015 les concessionnaires russes écoulent 31700 Datsun, ils ne feront jamais mieux. L’arrivée de versions 5 portes n’y changera rien. 
En Asie, les autres modèles Datsun ne trouveront pas leur public. Datsun commence à quitter certains marchés sur la pointe des pieds. 
Cette semaine Nissan annonçait la fin de la marque Datsun. La production de Datsun dans l’usine Lada s’achèvera au plus tard en décembre 2020. 
Sur les 3 premiers mois de l’année, il s’est vendu 3700 Datsun en russie, pour environ 40 000 Lada Granta. Un jour les constructeurs comprendront qu’on ne bâtit pas une marque avec une calandre. 

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