22 juin 2020

Road Trip en Citroën Dyane, impossible n’est pas Normand

Les belles histoires commencent souvent par quelques lignes sur un site de petites annonces. C’est l’histoire d’un mec qui met en vente son Land Rover Defender et qui se retrouve quelques jours plus tard à traverser une partie de la France, au volant d’une Dyane, sous la neige, sans freins, sans lumière, sans puissance mais pas sans humour. Récit d’une folle aventure chevronnée. 

Retrouvez la version audio ( Podcast de cet article à la fin de cette page )

 

C’est l’histoire d’un mec…

Cette histoire m’a été raconté par Brieuc, qui fait quasiment partie de l’équipe Road-Story. Disons qu’on passe beaucoup de temps dans son garage et qu’il déplie souvent le clic-clac pour nous recevoir. 
En début de semaine j’envoi un message à Brieuc pour l’inviter à Rétromobile afin de célébrer ensemble l’automobile indécente, représentée par les hordes de Ferrari, Lamborghini ou Porsche toutes plus neuves les unes que les autres et accessibles sous forme de placement financier dans une unité de valeur définie en millions d’euros. 
Ca aurait été drôle de faire Rétromobile avec Brieuc, lui qui en passionné et en vrai bricoleur est capable de traverser la France pour une bagnole à 500 balles ou une mobylette. Seulement voilà, le Brieuc me répond qu’il doit aller livrer un Land et en profiter pour prendre possession d’une Dyane “pour débarrasser le mec”.  

Quelques jours auparavant, notre ami a reçu la visite d’un acheteur pour son Defender. L’affaire était en bonne voie jusqu’au moment où Hugues l’acheteur lui confie qu’il doit d'abord “libérer de la place pour garer le Déf” et que pour ce faire il “doit se débarrasser d’une vieille voiture”. 
Je connais assez Brieuc pour savoir que c’est à ce moment bien précis que le drame s’est amorcé. Brieuc fait partie de cette frange de la population, de ce petit pourcentage de mecs qui sont incapables de laisser pourrir une voiture, une moto, un vélo, un juke box ou une pompe à essence au fond d’un garage. 
L’acheteur en avait trop dit, le deal est conclu ! Brieuc ira livrer le Defender dans les Yvelines et rentrera en Dyane en Normandie, contre une réduction de 300 euros sur le tarif du Land. 

“ça va le faire” 

Les jours passent jusqu’au 7 février, veille de l’expédition. L’acheteur du Land est inquiet et insiste sur le fait que la voiture est à retirer sur un plateau. De nature optimiste, notre ami Brieuc se dit qu’il ne faudra pas grand chose pour redémarrer une Dyane. Définitivement provincial, son raisonnement est le suivant : “si le mec a besoin de la place de la Dyane pour y poser le Defender, c’est qu’elle est stockée sur une place de parking, et qui dit parking en région parisienne, dit garage”. A vrai dire, ça lui paraît tellement évident qu’il en oublie de poser la question au propriétaire.  
Le rdv est donc confirmé pour le lendemain, la Dyane rentrera par la route !  Brieuc embarque Sam, un de ses amis, mécanicien de génie. Câbles de démarrage, sangles, colliers de serrage, caisse à outils, ruban adhésif, gants, W garage, gilets jaunes, thermos de café… rien n’est laissé au hasard quand les deux compères quittent Villedieu-les-Poêles peu avant 7h du matin. Ils partent tranquillement en évitant les péages, l’autoroute n’étant pas le terrain de jeu favori du Déf’. Les deux compères ont le temps, enfin c’est ce qu’ils croient encore à ce moment là. 
C’est vrai que ça se passe bien, arrivés à La Celle Saint Cloud vers midi, les gars ont bien roulé. Certes il est tombé pas mal de neige sur la région Parisienne mais avec un Land Rover et en absence de circulation, ces conditions se transforment en gain de temps. Les deux compères  arrivent dans la rue du rdv, numéro 3, 5...7 ! Le numéro est le bon. Brieuc et Sa    m jettent un oeil par dessus le portail, et se regardent. Sans un bruit, personne n’ose plus parler. 

 Comme prévu les enfants du proprio les attendent en déneigeant l’entrée  encombrée du portail. C’est une jolie maison avec un jardin couvert de neige. Mais ce n’est pas cela qui coupe la parole aux deux Normands. Derrière les enfants, il y a le portail, par dessus le portail Brieuc voit le jardin, et sous la neige devine la Dyane. Il suffit d’un regard échangé entre les deux bricoleurs pour se comprendre “dans quelle merde est-ce qu’on s’est embarqués ?!! Et d’où est-ce que j’ai sorti cette histoire de garage ??”

Porc au Curry et champignons de Paris 

Quel accueil ! A peine posé le pied par terre que les cafés arrivent et tout le monde semble être prêt à aider. Pas de temps à perdre, il faut s'y mettre et s’atteler à faire d’une épave, un truc qui roule. Un peu d'essence fraîche dans la cuve du carbu pour amorcer la pompe, un peu de bricolage ici et là, il  faudra une heure pour mettre en route la Citroën et tenter en vain de faire fonctionner ses freins. 
En fait il serait plus rapide de faire l’inventaire de ce qui marche. Les feux stop fonctionnent, les clignotants arrière également et même les phares semblent fournir un semblant d’éclairage. Du scotch sur les trous de la capote, ils enlèvent grossièrement neige, feuilles mortes et autres champignons (les fameux champignons de Paris?) de l'intérieur de la voiture. 
Par chance, on retrouve l'essuie-glace manquant dans la neige au milieu du jardin. Les aventuriers  parviennent à le fixer sur un bras, mettant le « moins pire » côté conducteur. 

Il ne reste plus qu'à sortir la bestiole de là et vérifier que le frein à main fonctionne à défaut d'autre chose pour la ralentir. Ah oui, les freins sont totalement inopérants. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour eux ça veut dire beaucoup. A ce moment là les deux compères sont encore assez optimistes sur la suite pour accepter le porc au Curry de la maîtresse de maison. Après un repas de fête et quelques papiers remplis pour la vente, il est temps de penser au retour. Le temps pour Brieuc de tenter une négociation sur la vieille lampe Jieldé qui trône dans le salon, on ne se refait pas. 

Rien n’arrête la Dyane, pas même les freins 

Au terme des 50 premiers mètres du périple, il convient de faire une sorte de pré-bilan. Le frein à main fonctionne, la voiture tourne comme une patate mais les gars se disent que ça ira mieux au fil des kilomètres. Un peu comme si les bagnoles se réparaient toutes seules comme des grandes. Arrivés au bout de la rue, le premier feu tricolore est l’occasion de tester le système de freinage, enfin le frein à main. 
Evidemment, les deux mecs traversant la région parisienne au volant de cette épave passent pour deux illuminés. Le moins que l’on puisse dire c’est que la Dyane ne paye pas de mine, notamment quand au moment de s’engager sur une 4 voies, celle ci décolle péniblement et cale lamentablement au bout de quelques mètres. Brieuc et Sam sortent en catastrophe du véhicule, arrêtent les voitures se portant à leur hauteur et poussent la Dyane en marche arrière vers le feu...ouf ! Sam a enclenché la 3ème en lieu et place de la première. Il faut dire qu’il faudra quelques kilomètres pour maîtriser un tel chef d’oeuvre d’ingénierie mécanique française. 

La deuxième tentative est la bonne. Sam et Brieuc sont littéralement morts de rire au moment d’atteindre péniblement leur vitesse de croisière de 40-50 km/h. Dans l’habitacle l’humeur est joyeuse mais on attend impatiemment de croiser une station service pour pouvoir remettre  de l’air dans les pneus qui sont presque à plat. En attendant le trajet n’est  qu’une succession de voitures, camions, motos et mobylettes qui doublent inlassablement nos amis. 
Au moment de faire le plein de 98, le compresseur de la station est en panne. Il faut continuer tout droit encore quelques kilomètres, faire demi-tour pour se retrouver de l’autre côté de la voie rapide et ainsi croiser la prochaine station. 
 Cela laisse à nos braves le temps de s’habituer à la procédure de ralentissement de leur destrier : débrayer, tirer sur le frein à main tout en appuyant sur la pédale de frein pour allumer les feux stops et actionner simultanément l'accélérateur sans quoi le moteur cale. 
Une fois les pneus gonflés, la conduite progresse d’un coup. La voiture peine moins, et ne tire plus à gauche. Il n’en reste pas moins que la traversée de la région parisienne est vraiment sportive. Les deux hommes sont sur le qui-vivre et n’attendent qu’une seule chose : rejoindre les routes de campagne. Pour couronner le tout, la neige sur les trottoirs reprend sa cadence et toute l’Ile de France est désormais recouverte d’un manteau neigeux. 

Depuis le départ, Brieuc et Sam ont identifié les portières à risque, celles qui s’ouvrent dans les virages et remedié au problème. Emmener des gants dans le pack de départ était judicieux, le volant de la Dyane se resumant à une simple jante métallique rouillée dépourvue d’habillage. Il faudra quand même penser à s'arrêter pour réparer l'échappement, autant pour le bruit que pour les remontées de gaz dans l'habitacle.
A l'instar de sa grande sœur la deuch', la Dyane a un fort capital sympathie, ce qui  vaut à ses nouveaux occupants les salut des passants, voitures et poids-lourds qui les doublent. Tout ça s’effectuant sans le moindre coup de klaxon en dépit d'une Vmax autour de 75km/h sur le plat. A noter qu’ils iront jusqu'à s'octroyer  une pointe avoisinant les 85 km/h dans une descente,  poussés par le vent ! 

Il aura fallu deux heures avant de marquer le premier arrêt et enfin réparer ce fichu échappement. Un monsieur s'approche, le regard amusé par l'état de l'auto. C'est un habitué des deux pattes, qui  part régulièrement pour de longues épopées avec son club. « Bonne route les gars, ça va le faire ! »
En effet, la route est bonne. Après un traditionnel plantage de GPS, et le détour qui va avec, les deux équipiers reprennent la bonne direction. 

Son instinct de mécano opérant, Sam se prend l'envie de raccorder un des fils tombant sous le tableau de bord. A cet instant c’est le feu d'artifice ! Des étincelles parcourent l’habitacle de la Dyane alors que le fil lui tombe des main et va heurter tour à tour le levier de vitesse, le commodo de phares puis le volant ! 
A cet instant décision est prise de laisser le faisceau électrique tranquille. 

C’est loin la Normandie !

L'horloge tourne mais pas les kilomètres. Partis en début d’après midi, et suite à quelques arrêts maintenance, la Dyane ne progresse que difficilement et lentement vers une hypothétique Normandie. 
Après la traversée d'un petit village à la circulation difficile, une nouvelle baisse de performance de l’engin se fait sentir. Malgré les rétrogradages, et le pied au plancher, la Citroen ne  veut plus rien savoir. 
Depuis le départ, les deux copilotes n’ont que le frein à main pour se ralentir, celui-ci agissant sur les deux tambours avant de ce modèle 1975. Ils leur ont déjà demandé beaucoup et ceux ci sont brûlants. Il va falloir attendre un peu avant de repartir. Sam en profite pour jeter un oeil sous le capot et décide de virer le filtre à air qui ne doit pas aider à faire respirer le bicylindre. Il y en a bien un neuf dans le coffre, mais il est encore gelé. A l’avant gauche, le pneu est de nouveau à plat, Brieuc ayant oublié de gonfler la roue de secours,  un petit tour dans un garage s’impose. L’occasion de se rendre compte que la roue de secours est elle même percée. 
Ils n’ont plus droit à l’erreur mais il faut faire vite, et avancer coute que coute. La nuit tombe et les gars ne sont qu’aux portes de la Basse-Normandie. 

Je  roule dans la nuit noire, je suis un voyou 

La nuit tout se complique. Désormais dans l’obscurité la plus totale, les deux Citroenistes n’ont pas de feux à l’arrière autres que le stop et les clignotants. La conduite devient franchement stressante et dangereuse. Pour signaler leur présence aux autres usagers, on décide à l’intérieur du vaisseau de fonctionner à l’appel de….freins. Les yeux rivés sur le rétro intérieur, l’entame de la traversée de la Normandie ne se fait pas sous les meilleurs auspices. Evidemment le pneu se dégonfle de plus en plus, il va falloir prendre une décision. 
Le danger guette les amis, ils arrivent en zone urbaine et il est désormais envisageable que la Police fasse son travail si elle était amenée à croiser la Dyane. 
Levés depuis l’aube,  Brieuc et Sam sont exténués. Heureusement, ils ont suivi la voie ferrée du tristement célèbre Paris-Granville. Même si depuis toujours cette ligne est une des pires de tout le territoire et que monter dans ce train revient à monter dans un tram pour faire 400 kilomètres, les gars n’en peuvent plus et décident d’attendre le prochain train. 
La décision est prise, la Dyane sera lâchement abandonnée sur le parking de la gare d’Argentan. Il est 20 heures et le périple s’arrête ici. 

Le renoncement 

Le prochain train pour Villedieu-les-poeles prévu deux heures plus tard, passera finalement au bout de 4 heures. Ce léger retard laissera le loisir à nos deux amis de goûter moults rafraîchissements proposés au “Bentley’s Pub” situé en face de la gare. 
La nuit est bien avancée quand nos Brieuc et Sam finissent par goûter un repos bien mérité sur les banquettes SNCF de seconde classe. Entre le retard du train, le trajet pour rentrer chez eux et le reste, ils rentreront à Villedieu quasiment à l’heure où ils en étaient partis la veille. 

Au moment où Brieuc revient, deux jours plus tard récupérer la  bestiole sur un plateau, j’évoque avec lui l’avenir de cette Dyane. “Je l’ai laissé ouverte pour éviter un énième trou dans la capote, rien n’a bougé, y compris le pépito que nous avions laissé sur le siège au cas où un sans abris vienne y trouver refuge. C’était marrant finalement ce périple, avec cette bagnole qui, à la manière du petit poucet a semé sur la route, tantôt des gouttes d’huile, tantôt des lambeaux de peinture ou encore la mousse qui se décollait des portières.” 
Brieuc me raconte la suite : “Une fois arrivés à la maison, j’ai ouvert le sac poubelle qui traînait à l’arrière. Dedans il y avait une housse de siège et un volant neuf!” 
Quand je lui demande si il ne regrette pas son achat, Brieuc est catégorique : “Jamais ! Je regrette juste un peu le coup de Karcher que je lui ai mis après l’avoir imbibé de produit à jantes, tant pour le changement de couleur de gris à beige que pour les morceaux de peinture laissés sur la piste de la station de lavage. Quand le propriétaire m’a dit qu’elle avait été mal repeinte, je lui ai demandé si ça avait été fait au rouleau. Il m’a répondu que oui !  Et bien il ne m’avait pas menti puisque j’ai retrouvé trois rouleaux dans le coffre !”. 
Quand j’évoque avec mon ami la valeur d’une Dyane restaurée et la possibilité de la revendre un de ces jours il me répond “Mais merde je commence à l’aimer moi !! Tu comprends ça ?!” 
Evidemment que je comprend, et je comprend encore plus que ça s’appelle la passion et qu’on peut la retrouver partout, dans les allées de Rétromobile ou ici, dans la vraie vie. 

Merci à Brieuc Harivel du garage Auto-Mobilia à Villedieu-les-poeles, pour le récit détaillé de ses aventures  et pour l’autorisation de vous la retranscrire ici. 

Nicolas Laperruque 

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