07 septembre 2020

A 78 ans, Henri Pescarolo est toujours pilote

F1, Endurance, Rallyes-Raids, Henri Pescarolo est une légende. Parce qu’il a tout fait en sport auto, parce qu’il a vu la mort en face, parce qu’il a un palmarès long comme l’annuaire de la Sarthe. Mais à l'âge où ses contemporains s’endorment devant les grand prix à l’Ephad, Henri continue de piloter. Et à 78 ans, il est toujours aussi rapide, toujours aussi exigeant, toujours aussi flegmatique, toujours aussi champion. Nous l’avons suivi pendant 2 jours, en immersion dans son stand des Classic-Days de Magny-Cours. 

Retrouver notre émission en podcast audio à la fin de cet article 

Entre flegme et agitation 
Il y a toujours un décalage entre ce que dégage Henri et ce qui se passe autour de lui. Quand Henri franchit la porte de notre stand (voir premier épisode : Classic-Days Magny Cours EP1), on voit entrer le mec le plus calme du monde, avec sa femme Madie et son célébre casque vert. La voix est monocorde, le geste rare. Voilà qui tranche avec l’agitation soudaine qui nous fait face. Une foule de supporters vient de s’installer autour des bagnoles. Pour choper un selfie, prendre une photo, ou tout simplement regarder l’idole. Henri lui, semble toujours aussi surpris de tant d’agitation autour de lui. Il se soumet volontiers aux diverses sollicitations puis retourne au fond du stand. “Bon, je vais aller me changer, ça peut servir”. 

Ari Vatanen trouve ça dangereux 

Dans le paddock, le stand de nos amis de Classic Mobil est assailli de toutes parts. Si vous lisez régulièrement Road-Story vous connaissez forcément les dessins de Classic-Mobil. Le produit star de la journée c’est le mug Peugeot 405 Pikes Peak. Vatanen rode dans le coin depuis l’aube et tout le monde veut son moment ou sa photo avec lui. Alors un mug avec la 405, c’est l’occasion de repartir avec un objet original et signé par le patron. Je croise Ari avec Xavier Crespin, tout sourire comme d’habitude. On lui propose un tour avec le Peugeot D4 de l’Aventure Peugeot. “Non merci ! Ca doit être inconduisible. C’est bien trop dangereux !” Tout le monde éclate de rire. L’occasion est trop belle pour brancher Ari sur le spectacle offert par ces vieux bolides, et la réponse est pour le moins surprenante : “Je trouve ça magnifique mais également effrayant. Quand je vois la F1 de Pescarolo, je me demande comment on peut rouler là dedans. Je lui ai dit que c’était beaucoup trop dangereux et pas raisonnable du tout". 

Une poubelle roulante 

En effet, notre Pesca n’est pas venu que pour serrer des mains et prendre des selfies. Il va piloter à nouveau la March avec laquelle il évoluait en championnat du monde en 1972. “Une poubelle roulante” disait-il à l’époque. L’opération est montée par Motul et va permettre de voir notre Pesca national en action. La bestiole n’en est pas moins impressionnante avec son aileron avant caractéristique. Cette March 712 était à l’époque engagée par un certain Frank Williams. Effectivement cette March était la suite logique de la 711 de l’année précédente. Pesca continue alors en 1972 d’enchaîner les mauvais résultats. En parallèle il continue de rouler en F2 chez Rondel, une nouvelle écurie fondée par un certain Ron Dennis. Que du beau monde ! D’ailleurs Henri va nous raconter une première anecdote sur la période F2. 

Jim Clark ce héros 

C’est en effet notre ami Piter qui, ce week-end partage le stand numéro 11 et 12 du circuit de Nevers Magny-Cours. Au moment de découvrir la Lotus 49 de notre ami, Pesca replonge dans ses souvenirs : “J’ai connu Jim Clark. A l’époque je courais en F2. Lors de ma première course à Barcelone, j’étais devant lui. La deuxième fois c’était le 7 avril 1968 à 
Hockenheim. J’étais qualifié en première ligne avec Beltoise. Pour la seconde fois mon idole Jim Clark était derrière, c’était incroyable pour moi. Malheureusement, je l’ai jamais revu, il se tue derrière. A l’époque évidemment il n’y avait pas de sécurité sur les voitures, ni même de safety car…” Quand on sait les graves accidents qu’Henri a lui même connu au cours de sa carrière, on prend soudainement conscience d’avoir affaire à un survivant. Mais l’esprit de compétition va vite reprendre le dessus. 

Préparation d’un champion 

Dans le stand l’équipe technique s’agite. On met en route le  Ford-Cosworth de la March. Le bruit assourdissant fait figure de signal pour le public, qui se presse instantanément devant l’entrée du stand 12. J’assiste alors à un moment rare. Henri Pescarolo est au fond du stand, isolé. Seule son épouse Madie reste dans le coin, toujours prête à prendre soin de son homme et à gérer l’intendance. Tel un boxeur avant de monter sur le ring, Henri déroule des gestes mille fois répétés. Les indispensables bouchons d’oreilles sont minutieusement placés. Henri enlève ses lunettes, enfile la cagoule ignifugée. Les gestes sont lents, précis. Dans ces moments là, personne n’ose venir déranger le pilote pour un autographe. Henri se saisit de son célèbre casque vert, l’enfonce sur sa tête, remet ses lunettes. Un dernier mot à Madie, Henri embarque la paire de gants et se dirige vers sa voiture. A 78 ans bientôt, il semble impatient comme un jeune pilote à qui on donnerait sa chance pour un test. 

En piste ! 

Le moment de s’installer dans le baquet est arrivé. L’équipe est aux petits soins pour son champion. Pesca se laisse glisser dans le baquet. Devant le stand une foule compacte s’est formé. Le Ford-Cosworth émet quelques vocalises, puis c’est le feu vert. On pousse la voiture sur quelques mètres. Je suis posté juste à la sortie du stand au niveau de Pesca. La voiture me passe devant, il ralentit, prend le temps de me faire un clin d’oeil, et enfile la ligne des stands. Le bonheur sera de courte durée, après deux tours seulement, c’est le drapeau rouge. Une voiture s’est sortie, tout le monde rentre au stand. Mais cette brève excursion en piste ne va pas empêcher les mécanos d’avoir un peu de travail. 

Toujours exigeant 

La March recule dans le stand, mais l’homme au casque vert ne prend pas le temps de descendre de voiture pour faire un premier point après deux tours. “Bon, les pneus sont pas les bons. Il faut absolument les changer, ça va pas. Heureusement qu’on ne passe pas souvent la première parce que l’espace entre le levier et le volant est vraiment minime. Le volant est trop grand. Le rétroviseur gauche vibre beaucoup et il se dérègle. Voilà, après je te parle du reste !” Voilà un pilote, qui après seulement deux tours sait ce qu’il veut et ce qu’il ne veut pas. Une exigence qui ne va pas à sens unique : “Je suis là pour me faire plaisir. Il est hors de question de prendre des risques inutiles ou d'abîmer la voiture. J’ai beaucoup de respect pour les voitures qu’on me prête”. 

Une  grande connaissance aussi de la chose mécanique. Quand au début de la première séance de roulage, la Lotus de notre ami Piter tombe en panne dès la sortie des stands, Pesca vient aux nouvelles auprès de Philippe Marcello, ingénieur de la voiture. 
Sur la piste, le coup de volant est intact. La F1 de Pesca virevolte de virages en virages, le jeune homme prend du plaisir à rouler et ça se voit. Quand arrive le dimanche après-midi, et l’heure de rentrer, Pesca vient vers moi en sortant des stands, toujours accompagné de Madame.
 “Vous rentrez Henri?” 
“-Oui c’est fini, je me suis bien amusé, c’était sympa cet événement”. 


Henri Pescarolo m’a serré la main. Je viens de passer 2 jours entiers à son contact, en retrait, dans un coin du stand,  pour ne pas déranger, observer et me fondre dans la masse. Mais au moment de partir, le grand Pescarolo est venu me dire au revoir et à pris le temps d’échanger quelques mots sympas. Pescarolo résume à lui tout seul l’époque bénie des années 60-70 quand les pilotes n'étaient pas certains de rentrer chez eux le dimanche soir, de revoir leur famille, leurs amis. Chevaleresque. C’est le mot qui me vient au moment où je vois la grande silhouette de Pesca s’éloigner. Quelques minutes plus tard, un hélico s'élève dans le ciel. Visiblement Henri Pescarolo ne s’arrête jamais. 

Texte et photos Nicolas Laperruque 

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