08 juillet 2021

Carlos et Mimicha Reutemann roi et reine de Monaco.

Depuis quelques semaines je réfléchissais à un article sur Carlos Reutemann, et au départ surtout sur sa femme. Qui peut s’appeler Mimicha sans être exceptionnel ? Alors j’ai cherché des infos sur elle, mais je n’ai hélas pas trouvé grand-chose. Si ce n’est que ses filles ont peut-être porté chance au grand Carlos lorsqu’il a gagné à Monaco. Et c’est cette histoire que je vais vous raconter pour lui rendre hommage. 

Il était le fils de celui qui élevait les "lolechone" (les porcelets) ; elle, la fille de la "bonne famille" de Manucho, une ville à 40 kilomètres de la capitale Santa Fe (Argentine). De là, elle l'a surnommé Lole. Lorsqu'ils se sont rencontrés, Reutemann, qui n’avait alors qu’une camionnette, était encore loin de la course automobile. Mimicha ne voulait rien avoir à faire avec lui, mais… il a tellement insisté… qu'il a fini par la conquérir. La parade nuptiale de Carlos pour Mimicha dura un an et huit mois : ils se marièrent le 18 mai 1968. Il avait 26 ans ; elle, 22 ans. Leur mariage a duré 11 ans et ils ont eu deux filles : Cora et Mariana. Leur relation n'a jamais été facile. Dans une interview, elle avoue qu'ils étaient comme "l'huile et l'eau. Je suis heureuse, drôle, désordonnée, optimiste, imaginative, bavarde. Carlos est calme, timide, introverti, analytique, ordonné, concentré. Je me lève en chantant et il se lève en pensant".

Mais revenons à la formule 1, Il y a plus de quarante ans, Lole (c’est son surnom officiel) va courir en Principauté pour l‘écurie Williams. Jusque-là, ses filles n'étaient jamais venues à une course de Formule 1. Ce jour-là, après un an et demi sans victoires, la chance a tourné peut-être grâce à elles. A cette époque la famille Reutemann habite à Saint-Jean Cap Ferrat, Carlos Alberto Reutemann a décidé avec Mimicha, que leurs filles, Cora Inès et Mariana, allaient pour la première fois le voir courir. Et quoi de mieux que dans la course où, en raison de leur domicile, ils étaient presque à la maison, dans le traditionnel Grand Prix de Monaco. Peut-être que Lole pensait que ce week-end n’allait être qu’une sortie en famille, avec un peu de travail au milieu. Mais ce weekend sera très spécial. Les filles porteront chance à l’argentin…

 

Carlos, comme toujours, passa cette semaine à tout organiser et à se concentrer. Ses seules préoccupations étaient de rester en forme physique et psychologique afin d’être au top pour le Grand Prix de Monaco. Pour autant il se distrayait en jouant avec ses filles ou en bricolant. Carlos était aussi un grand lecteur, Il dévorait livres, journaux et magazines sportifs, notamment ceux de sport automobile bien sûr. Ce n’était pas son seul centre d’intérêt. Il se passionnait aussi pour les « taux de changes inter bancaires », un sujet dont il était un véritable spécialiste, bien loin de son job de pilote.

Très réfléchi et studieux, il cherchait des explications à tout et en particulier à son absence de victoire. À ce moment de sa carrière, son dernier succès remonte au 1er octobre 1978 à Watkins Glen (USA). C'était la dernière des cinq victoires qu'il a alors remportées pour Ferrari. Quelques jours avant le week-end en Principauté, quelqu'un lui a dit « vous semblez satisfait de la Williams ». Il a répondu "oui, mais Scheckter (Jody) est champion du monde sur Ferrari." Pourquoi cette réponse ? peut-être était-ce du au fait que le Sud-Africain l'avait remplacé à la Scuderia en 1979 et avait obtenu la couronne. A son départ de Maranello, il avoua dans la presse « en 1978 j'ai gagné quatre courses mais à chaque fois que je revenais à Maranello on me faisait la tête". Cela a été la saison où il a le plus gagné, mais le manque de motivation de son équipe à son encontre était flagrante. 

Reutemann a rejoint Lotus en 1979 enthousiasmé par les performances du modèle 78. Mais rien ne s'est passé comme prévu. Seules deux deuxièmes places en Argentine et en Espagne ont été ses meilleurs résultats et une sixième place au championnat. Il saura marquer plus de points que le grand Mario Andretti mais ce sera pour autant une saison un peu à oublier.

Visionnaire, en 79 il sent que Williams aura la voiture pour gagner en 1980 et Il réussit à rejoindre cette équipe pour 1980. Agé de 38 ans, il n’est plus un jeune premier et il sait qu’il court ses dernières saisons. Le premier grand prix de 1980 a lieu à Buenos Aires. Après des essais moyens, il abandonne sur surchauffe moteur, due à de l'herbe masquant ses radiateurs après une légère sortie de piste. Images incroyables, on l’a vu rester à côté de sa voiture pleurant de rage et de désespoir. 

Lole Reutemann au GP de Monaco 1980, Avec l'aimable autorisation de Jean Francois Galeron

A Monaco, très fort dès les essais, il échoue à l’obtention de la pole position pour 69/1000. Le Français Didier Pironi (Ligier), la lui soufflait grâce à son temps de 1m24s813.Les deux seul a avoir été capables de tomber en dessous du temps de 1m25s.  Avec humour Carlos commente les essais : « Quelle honte, hein ? La pole position m'a échappé pour un cheveu. Mais quand même, pour un « vieux » comme moi, être deuxième à 7/100, c'est bien, non ? »

Au départ, dès les premiers mètres, Carlos perd la deuxième place à l’avantage de son coéquipier, l'Australien Alan Jones. « Il n'y avait pas d'accord pour que je laisse Alan me devancer. J'ai bien démarré mais il m'a dépassé, même si je ne me souviens pas très bien comment. Il me semble qu'il a pris l'intérieur, et j’ai préféré ne pas prendre de risque en fermant la porte ». Mais, comme d'habitude, Lole n'a rien lâché et encore moins sur un circuit urbain où toutes les fautes mènent à une sanction immédiate. « Je n'ai jamais essayé d’approcher Jones et Pironi car je savais que sur ce circuit je n'avais aucune chance de les dépasser. C'est pourquoi j'ai jugé plus prudent de rester derrière eux, sachant que Laffitte (Jacques), qui était derrière moi, était dans le même état d’esprit. En d'autres termes, j’allais faire une course d’attente ».

Il se tint à cette stratégie Jusqu'à ce que les deux premiers disparaissent. Le premier, Jones au 24e tour sur panne de transmission. Le deuxième, Pironi, en délicatesse avec sa boite, part à la faute, crève et doit abandonner au 54e tour. Carlos hérite de la tête à 22 tours de la fin sur une piste devenue humide. « J’ai eu la chance que ma voiture n’ai eu aucun problème et que Alan et Pironi ai abandonné. En fait, j'étais assez calme et serein pendant toute la course ».

Mais la fin de course n’a pas été si simple avec l’apparition de la pluie.  En effet Lole dut contrôler la Williams sur une piste mouillée… chaussé de pneus slick. 

« Le principal souci que j’ai rencontré pendant la course a été dû à la pluie qui a commencé à tomber quelques tours avant l’arrivée. Et cela m'a amené à être encore plus prudent. La partie haute du circuit était plus humide que la partie basse et il fallait faire très attention pour voir à quel moment elle commençait à devenir plus humide. Je soulevais toujours ma visière, pour mieux apprécier l’adhérence de la piste. Et je pense que c'est peut-être ces changements d’adhérence qui a perturbé Pironi et l’a fait touché le rail dans la zone où l'asphalte commençait à être plus humide ».

Au dernier tour, Mimicha et Mariana (la plus jeune) se sont approchées de la rambarde des stands. Elles ont pu applaudir leur père qui passait devant elles en vainqueur. C'était une nouvelle victoire après une traversée du désert de près de 19 mois et 18 jours. Le podium était complété par Lafitte et le Brésilien Nelson Piquet (Brabham). Ils étaient les trois seuls à boucler le total de 76 tours prévus au GP.

Comme toujours, Carlos pris son temps pour analyser la course. Et il a livré dans la presse ces réflexions : « Je suis déjà parti une fois en pole position à Monaco et j'ai commis l'erreur de patiner au départ. Cela m'a coûté la course, et c'est pourquoi je suis si heureux d'avoir gagné en partant de la deuxième place, sur ce circuit ou il est vraiment très difficile de doubler ».

« Si la course s’était déroulé en suivant le classement des essais je n’aurais pas pu obtenir mieux qu’une troisième place. Mais Pironi et Jones ont disparus, m’ouvrant la porte de la victoire. La pluie était le dernier souci, mais j’ai su passer à travers les gouttes. Quoi qu'il en soit, j’ai toujours été calme. »

"Ce triomphe a une saveur particulière du fait que cela faisait plus d'un an que je n'avais pas remporté de victoire." « Ce qui m'a le plus satisfait dans cette victoire, c'est d'avoir vu à quel point l'équipe est excellente. Vraiment, Jones et moi sommes capables cette année de remporter de nombreuses victoires. Je sais que Frank Williams est plus intéressé par la victoire de Jones et j'avoue qu'il y avait même un accord en début de saison à ce sujet, mais pour l'instant, Frank veut que Alan et moi marquions autant de points que possible dans cette première partie du championnat. De cette façon, il a deux pilotes avec la même capacité de victoire, et sans cela, il ne m'aurait pas embauché ».

Après l’obtention d’un titre mondial, gagner à Monaco est généralement l'objectif principal de tout pilote. C'est plus important que de gagner sur n'importe quel autre circuit, gagner à Monaco, c’est entrer dans la légende. Reutemann avait déjà été victorieux sur un autre circuit mythique, le Nürburgring (Allemagne) en 1975. Ce fut la dernière année que la f1 couru sur la grande boucle de 21 km., en effet en 1976 le GP s'était terminée par l'accident de l'Autrichien Niki Lauda ce qui a scelé le destin du Nürburgring en F1. 

Lole Reutemann et Mimicha dans le Bus pour l'aéroport de Rio de Janeiro, avec le trophée de vainqueur du GP du Bresil 1978

Ce triomphe à Monaco avait un goût de revanche "mais il est arrivé un peu tard", a-t-il reconnu. C'était le réveil d'un nouvel espoir. C’est aussi la confirmation que Lole a été souvent malchanceux ou pas toujours opportuniste. Il a pourtant couru pour des équipes comme Brabham, Ferrari, Lotus et Williams.

La manière dont l’argentin a mené sa course à Monaco cette année-là mérite d'être soulignée. C’est tout à la fois un exemple de clairvoyance, d'opportunisme et de maîtrise, sans être attribué ni à sa propre chance ni aux malheurs des autres.

Pour rappel, Carlos a été vainqueur de 12 Grands Prix.  IL  est le seul avec Gerhard Berger à avoir vaincu au volant de trois écuries différentes ( si on exclus les pilotes ayant été champions du monde). Il est aussi le seul pilote à avoir obtenu des podiums en championnat du monde de F1 et en championnat du monde des rallyes, avec une Fiat 131 et une 205 turbo 16, toujours au rallye d'Argentine.

Pour ceux qui seront choqués de mon titre, il devront comprendre que je ne pouvais pas écrire :"Carlos et Mimicha Reutemann prince et princesse de Monaco"

Francois Bouet 

Ps: si certains auteurs de photos vous sont connus merci de me le signaler que je puisse recueillir leur autorisation

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