20 février 2020

On a parlé bagnoles avec Les Forbans

“Tu veux pas venir interviewer Les Forbans?” Ba je sais pas, pourquoi je ferais ça? Tu crois qu’on peut leur causer de bagnoles? “ah oui je crois”. C’est comme ça que tout a commencé. Nous sommes allés chez Bebert et on s’est bien marré. 

Bebert envoie du bois

C’est notre photographe Daniel qui a eu l’idée de cette interview. J’étais un peu sceptique, ne connaissant pas grand chose aux Forbans, sinon un vague souvenir de “Chante, danse, bouge et mets tes baskets”. Daniel, qui a grandi à Ivry-sur Seine, lui il connaissait les Forbans. Le père de Chelmi,  le batteur historique du groupe avait un garage pas très loin de chez lui. Souvenirs, souvenirs et autant d’anecdotes d’époque croustillantes. 
Rendez-vous est pris chez Bebert, le chanteur du groupe à 14h en région parisienne. 
Chelmi arrive en bécane en même temps que nous. On monte chez Bebert mais personne ne répond. C’est alors qu’on entend du bruit provenant du fond du jardin. En s’approchant on voit notre Bebert torse nu dans l’atelier en train de fabriquer un meuble. Première surprise, notre chanteur du jour est passionné d'ébénisterie et conçoit de magnifiques meubles en bois. “Ah merde vous êtes déjà là? Ah c’est moi qui est en retard ! Ba, installez vous dans la baraque, et servez vous une bière, je vais me changer”. 

Bagnole et Rock’n roll 

Une bière plus tard, Bebert vient nous retrouver dans le salon. “Vous avez bouffé les mecs? Tu veux une pomme, un yaourt?”. Il est sympa ce Bebert. Ca se sent tout de suite. C’est le propre, paraît il de tous ceux qui se souviennent d’où ils viennent. Et là dessus les souvenirs ne manquent pas. “J’ai toujours aimé le rock n’roll, les bagnoles, les bécanes, la bagarre et les gonzesses. Tu vas peut-être trouver ça réducteur mais c’est ça.” C’est vrai, Bebert a raison. De tous temps les bagnoles et les bécanes ont fait  partie intégrante de la mythologie Rock’n roll. Des Cadillac de Presley, à la route racontée depuis 40 ans par Springsteen, en passant par les 300 bagnoles de Johnny, la bagnole, la moto et le road trip ont depuis longtemps quitté leur fonction d’accessoire, pour devenir partie intégrante du mythe. Bebert a raison : la bagnole c’est le Rock’n roll. Vous vous imaginer traverser les USA sur la Route 66 en écoutant toutes ces merdes qui passent sur Skyrock ou NRJ? Allons, soyons sérieux. 

Des débuts modestes 

J’ai mis du temps à écrire cet article parce que je savais pas par quoi commencer. Une belle journée à boire des bières dans le salon chez Bebert c’est sympa mais ça fait pas un article. En réécoutant les bandes enregistrées de nos conversations, le papelard était là.

Sur les pompes à essence, il y avait une manette que le pompiste remettait à zéro entre chaque plein “Schling klong!!”.

Il suffisait de laisser parler Bebert ou Chelmi raconter leurs anecdotes. La plus ancienne surement date du temps où le jeune chanteur du groupe roulait en 2 temps Suzuki. “On avait pas trop de blé évidemment. Ça nous empêchait pas d’être heureux, parce que nos occupations était gratuites. Pour le reste on avait des combines. Je me souviens que je roulais en Suzuki. A l’époque je mettais 14 francs de mélange pour faire le plein. Sur les pompes à essence, il y avait une manette que le pompiste remettait à zéro entre chaque plein “Schling klong!!”. On se pointait à deux avec mon pote. Pendant que je faisais le plein, j’envoyais mon pote à la boutique acheter une connerie ou demander un renseignement. Le pompiste était occupé, j’en profitais pour rabattre la manette “Schling Klong !!!”. Je faisais le plein à 4 francs. 

Solidarité 

Ces petits arrangements n’empêchent pas la jeune troupe de faire preuve de générosité et de solidarité. Un jour le père de Chelmi paye à son fils un magnifique deux roues. La bestiole fait des ravages dans le quartier et ne passe pas inaperçue. Quelques jours plus tard un mécano du garage qui devait avoir 17 ans, tombe en admiration devant la bécane. “Il arrêtait pas de dire à Chelmi, ‘putain elle est belle’, ‘elle est magnifique cette bécane’. Le mec avait pas de ronds, et Chelmi l’avait bien compris. Cette bécane c’était le seul deux roues de Chelmi, le truc dont il était le plus fier. Ca l’a pas empêché de l’offrir au mec. Il lui a dit ‘tiens prend là, elle est à toi’.” raconte Bebert. “La vraie classe. Mais le plus beau c’est quand son père lui a demandé ‘Mais pourquoi tu as fait ça??’. Chelmi lui a répondu ‘Parce qu’il pouvait pas se la payer lui’. Le père de Chelmi a immédiatement compris.” 

L’Estafette 

“Pendant longtemps on tournait en Estafette. On allait partout jouer et l’Estafette était l’engin idéal du groupe de rock pour transporter hommes et matériel” raconte Chelmi. “Un jour on roule pour aller je ne sais où. Il pleut abondamment mais les essuie-glace sont en panne. Impossible de réparer, on continue. On est 3 devant et 2 derrière avec le matos, installés face à la route. Sur la banquette avant, le guitariste décide de sortir du véhicule, en roulant pour aller essuyer le pare brise. Sur l’Estafette, tu as les fameuses portes qui permettent de rouler les portes ouvertes. Notre pote sort, pose son pied sur le marche-pieds, puis marche sur le pare choc pour se retrouver avec le chiffon devant ma gueule. On est tous morts de rire, ce con est arrivé devant l’Estafette pendant qu’on roulait.”

A l’avant les 3 joyeux lurons rigolent pendant que les deux voyageurs à l’arrière ignorent tout de la scène. “On avait 19 ans et on passait notre temps à faire les cons, mais ce jour là ça aurait pu très mal se terminer”. Tout à coup, alors que l’Estafette roule à 80 km/h, le pied du guitariste glisse et le mec s’envole et tombe. “Je me voyais déjà annoncer sa mort à ses parents. On était certains qu’il était mort, c’était impossible qu’il s’en soit sorti. On stoppe l’Estafette en urgence, on se met à courir vers notre pote. Le mec est là, étendu sur le sol. Contre toute attente, il se relève “Putain ! J’ai mal au doigts!” Le mec a rien. A part des brûlures aux mains. "

"On passait nos vies à parier de l’argent. On pariait 100 balles. Tout le monde jouait donc le gagnant repartait avec 500 balles et les perdants perdaient 100 balles. Du plongeon à la piscine qui se transforme en 6 mois de torticoli, à celui qui gardera l’assiette brûlante sur le bras le plus longtemps possible. Un des membres des Forbans a toujours la cicatrice de l’assiette sur le bras. "


T’as fait attention à ta voix, Bebert ? 

On est là depuis une demi heure et je crois que Bebert a compris qu’on était pas là pour l’emmerder ou pour trouver un scoop mais vraiment pour parler bagnoles entre potes. Les gars se détendent et les anecdotes fusent de toute part. “ohh Bebert faut que tu racontes l’enregistrement de Flip-Flap!”. 

"Evidemment ils m'ont retiré mon permis"

Bebert s'exécute : “Je m’étais fait gauler à 156 km/h au lieu de 90. Forcément, tu penses bien qu’ils ont pas aimé et je me suis retrouvé convoqué au tribunal. Mais double problème : premièrement ça se passe au tribunal de Bar-sur-Aube, dans l’est à 250 bornes de Paris. Je sais que je vais certainement perdre mon permis sur place et deuxième problème la convocation tombe le jour du début de l’enregistrement de notre album “Flip Flap”. Il faut être revenu au studio pour 15h et la convocation est à 10h du mat. Je pars avec Chelmi en bécane à 5 du mat. On roule, au début ça se passe bien mais en fait il fait horriblement froid. On a mis des feuilles de journaux partout dans nos bottes, sous nos blousons mais rien n’est pire que le froid. Le trajet est un enfer. J’arrive au tribunal, évidemment ils me piquent mon permis.” 
Il faut repartir et se taper encore 250 bornes dans le gel pour aller au studio. De retour à Paris, les mecs sont congelés et crevés. 
“Sur place, le producteur, qui était du genre inquiet me dit bonjour, et fébrile me demande “ça va Bebert, tu es en forme, t’as bien dormi j’espère?!!”. “Oui, oui on a super bien dormi !” Eclats de rire, le producteur ne saura jamais qu’ils venaient de se taper 500 bornes en bécane par moins 2 degrés. Ca n'empêchera pas l’album d‘être un énorme succès. 

A qui est cette Mustang ? 

Des bagnoles Bebert en a eu. Des dizaines, 50, 60, surement plus. Il a cessé de compter il y a longtemps. Le dénominateur commun de toutes ces bagnoles c’est le bon goût. Mercedes Pagode, Dino Ferrari, Jaguar, et un paquet d’américaines. 

"Bebert, y'a les flics devant la Mustang" 

Parmi celles ci, il y en a une qui reste dans la mémoire du chanteur, et pour cause. “J’ai eu quelques Mustang, c’était l’une d’elles. Un modèle de 1970 ou 1971. Je l’achète, je la garde pendant 3 ans et un jour mon guitariste Philippe décide de me la racheter. Je lui revend volontiers, d’autant que ça me permettra de continuer à la voir de temps en temps. Le temps passe, il la garde un an ou deux, tout se passe bien, la bagnole se porte bien. Un jour il m’appelle et me dit ‘Bebert putain, je sors du cinéma, y’a des flics devant ma caisse. Ils sont avec un mec qui dit que c’est sa caisse qu’il se l’ai fait voler”. Il faudra un an pour récupérer la voiture mise sous séquestre.

Le mec s’était fait rembourser sa voiture par l’assurance évidemment. Mais l’assurance se retournait contre le vendeur, et ainsi de suite. “Il fallait prouver notre bonne foi, mais il a fini par récupérer la Mustang”. L’histoire se termine bien d’autant plus que 6 ou 7 mois après, Bebert rachètera la fameuse Mustang, trop content de la récupérer à son tour ! 

Une Corvette au Liban 

C’est une autre américaine qui vaudra à Bebert quelques sueurs froides. A l’époque notre rockeur se lie d’amitié avec Joseph, un Libanais Chrétien. Les deux compères passent pas mal de temps ensemble et un jour Bebert demande à Joseph si il y a des américaines au Liban. “Evidemment qu’il y en a. Mais là bas les mecs en veulent plus. C’est limite si ils les jettent pas. Tu veux que je t’en ramène une?”. 
L’affaire se fait rapidement. Bebert confie 80 000 francs à Joseph, qui sera chargé de trouver une Corvette Split Window ou au pire un cabriolet en bon état pour ce prix. “Joseph part et les jours passent. J’ose pas dire à mon père que j’ai confié 8 bâtons à ce mec pour qu’il me ramène une bagnole. Les jours passent, et je n’ai aucune nouvelle. A l’époque, pas de téléphone portable évidemment. Ca fait 3 jours, 4 jours, une semaine, 10 jours qu’il est parti et rien. Plus les heures passent, plus je suis certain de m’être fait enfler mes 8 bâtons” raconte Bebert. Au bout de 15 jours, je reçois un appel en PCV. Evidemment j’accepte. “Putain Bebert, tu devineras jamais. En fait ici c’est la guerre!” Devant ces premiers mots, Bebert est partagé entre le soulagement d’avoir son pote au téléphone et une suite qui risque d’être moins drôle, du genre “Je me suis fait voler ton argent”. 

"Putain Bebert, en fait ici c'est la guerre"
Joseph continue : “Je suis enfermé dans un bureau de poste depuis des jours, y’a rien à manger et à boire, juste du lait”. A ce moment là Bebert, poli, écoute son pote lui raconter la guerre mais pense surtout à autre chose. “J’étais là en train de l’écouter mais il me parlait pas du tout de mon pognon.” Finalement, au bout de quelques minutes d’amabilité, Joseph finit par lâcher : “Ah oui au fait ! J’ai toujours ton argent Bebert, hein ! J’espère que t’étais pas inquiet !” et Bebert de répondre : “Moi ? Pas du tout ! J’avais entière confiance !”. 

1400 bornes sans phares 

L’histoire aurait pu s’arrêter là mais le fameux Joseph finit par dégoter une Corvette cabriolet, de 1966, correspondant, du moins au téléphone, aux critères de Bebert. Pendant que Joseph revient par  par avion, la Corvette, elle voyagera par bateau. Après 5 semaines de voyage, la Corvette est arrivée. Ou presque. En effet, première déconvenue, elle n’est pas arrivée au Havre, comme prévu au départ mais dans un port en Italie.

"On a fait 1400 bornes avec deux antibrouillards pour seul éclairage. Un qui éclaire le côté de la route, l'autre le ciel". 
“Je suis tellement fier de dire à mon père que je me suis pas fait baiser avec ces 8 briques que je l’emmène avec moi pour remonter la caisse. On prend un train de nuit, puis un deuxième en arrivant en Italie. On arrive enfin dans le port, là il faut passer les douanes, remplir des paperasses. Il est 16h bien tassées quand on ouvre enfin le conteneur pour récupérer enfin la bagnole.” nous raconte Bebert. 
“En voyant la bagnole, j’ai tout de suite vu qu’il y avait un truc qui allait pas. Elle était bizarre cette Corvette. Y’avait un truc qui allait pas à l’avant. Mais je pouvais pas l’avouer à mon père. C’était inconcevable de lui dire que je m’étais finalement bien fait avoir. Crois moi si tu veux, mais les mecs là bas au Liban avaient obturé les phares. C’est à dire que les phares escamotables de la Corvette avaient été vidés de leur mécanisme, le globe de phare avait lui même disparu, et l’ensemble était choucrouté et repeint. L’emplacement où il y a normalement les phares était donc plein. Ils avaient installé deux phares à iode antibrouillard sous le pare choc, et c’était tout ce qui pouvait faire office d’éclairage sur cette caisse. Je dis rien, mon père monte et on commence à partir. Evidemment, au bout d’une heure de route la nuit commence à tomber. On avait encore 1400 bornes à faire dans la nuit. Je décide alors d’allumer “les phares”. L’un des deux antibrouillards éclairait le sol à droite du véhicule, sur le côté. L’autre éclairait le ciel. Je revois encore mon père me dire “Ils éclairent pas dur tes phares là!”. 
La nuit sera longue mais le père de Bebert ne lui en voudra pas et étant cordonnier refera même la sellerie de la Corvette un peu plus tard. 

Biker un jour, biker toujours 

Il commence à se faire tard quand nous quittons Les Forbans. Impossible évidemment de partir sans aller faire un tour dans le garage de Bebert. Les gars ont joué le jeu et sont venus en Harley et Indian. Bebert lui aussi nous montre sa Harley Davidson. L’occasion de revenir sur la route 66 qu’ils ont fait ensemble il y a quelques années au cours d’une tournée américaine et de leur envie d’y retourner. 
Une magnifique et bestiale Mercedes AMG GT trône dans le garage au milieu des motos. 
La séance photo orchestrée par mon Daniel Power est l’occasion d’ultimes fous rires. On a passé une belle journée. En repartant, Bebert et Chelmi viennent nous voir “Venez samedi on vous invite. On joue pour les Bikers de France. On serait contents que vous veniez.” Voilà, c’est ça Les Forbans. 

Aujourd'hui Les Forbans c'est 70 concerts par an et toujours des albums. 

Nicolas Laperruque 

Photos : Daniel Power 

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