21 février 2021

La grande épopée de la première Citroën DS aux USA 

La marque Citroën a toujours eu une relation particulière avec les Etats-Unis. Mais en 1955 quand le constructeur présente sa DS au Salon de Paris, l’heure est à l’euphorie. Alors pourquoi ne pas exposer cette majestueuse Citroën au Salon de Chicago? Voici l’histoire rocambolesque de la première DS aux USA. 

André Citroën aime l’Amérique 

On le sait, André Citroën aimait s’inspirer de ce qui se passait outre-Atlantique. La production à la chaîne dès ses débuts en 1919 s’inspirant de ce que Ford faisait avec sa Ford T. Evidemment le patron des usines Citroën ne pouvait ignorer le plus gros marché du monde. Mais difficile, déjà dans les années 20, de s’imposer aux USA sans avoir une usine sur place. Au début des années 30, il hésite avant de renoncer au dernier moment. Il n’y aura pas d’usine Citroën aux Etats-Unis. André Citroën souhaitant se concentrer sur l’Europe où il a déjà beaucoup à faire. 

Vendre des Citroën aux USA, un vieux rêve

Il faut attendre 1938 pour qu’une Citroën débarque aux Etats-Unis pour y être commercialisée. L’importation se fait par le biais d’un importateur “The Challenger Motor Car Corporation” basé à Los Angeles, puis par “Campbell Motors”, toujours en Californie. La Traction est vendue contre 895$. Vendue étant un bien grand mot, les ventes restant anecdotiques, la faute à un prix élevé et un réseau de distribution bien maigre. Il faudra attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que la marque débarque officiellement aux USA. Mais les ventes ne suivent pas, et seule une vingtaine de voitures seront immatriculées. Mais en 1952, les dirigeants de Michelin, propriétaires de Citroen, fondent la Citroën Cars Corporation” synonyme de changement de braquet dans les ambitions américaines de la marque. 

Le choc DS au Salon de Paris 

La présentation de la DS à Paris, à 9 heures précises, le 6 octobre 1955 est un événement difficilement imaginable aujourd’hui au lancement d’une voiture. Toute la France vient admirer la nouvelle voiture révolutionnaire. Le stand de la marque est pris d’assaut, et les commandes pleuvent. Les acheteurs agitent carnets de chèques et liasses de billets pour tenter d’attirer l’attention de vendeurs débordés. Devant ce succès sans précédent, les autorités de la marque se mettent à rêver. Il faut profiter de cet élan pour imposer la DS aux Etats-Unis. Pour créer le buzz outre-atlantique, on va exposer une DS au Salon de Chicago 1956. 

La DS à la conquête des Etats-Unis 

Mais la décision tombe tard et il faut faire vite. Charles Buchet, alors responsable de la Citroën Cars Corporation fait le forcing pour faire envoyer une voiture par bateau aux Etats-Unis. C’est à Claude Braux, un des techniciens du bureau d’études qu’est confiée la mission de convoyer la DS à destination. Un voyage qui promet d’être long et périlleux. 

Long is the Road 

Le 27 Décembre 1955, Claude Braux prend possession de la voiture à Javel et file direction Le Havre, où il embarque à bord du Ryndam, un cargo hollandais. Après une escale à Halifax, il arrive le 4 Janvier dans l'après-midi à New York. Mais l’heure n’est pas au soulagement. En effet, à l’arrivée, il fait -16 °C et la route de Chicago est balayée par des tempêtes de neige. A Paris, ces premières nouvelles du sol américain ne rassurent personne. En effet, si Braux est un bon technicien connaissant le fonctionnement de la DS, il n’est pas pilote et personne ne lui fait confiance pour parcourir les 1700 km entre New York et Chicago, sous la neige et par -16°. 

Luigi Chinetti, en renfort 

Il est hors de question de laisser Braux seul au volant, face à ces conditions climatiques. S' il tape, s’en sera fini des espoirs d’exposer la voiture au Salon de Chicago. Charles Buchet, patron de Citroën USA, va appeler un ami, Luigi Chinetti. Celui-ci est alors importateur Ferrari aux Etats-Unis et, accessoirement, triple vainqueur des 24 Heures du Mans. C’est lui qui va conduire la DS à destination. Claude et Luigi partent donc de New York le 5 janvier au matin, vers 9h. Elle doit impérativement arriver 24 heures plus tard pour être nettoyée et préparée. Le Salon ouvre le 7 au matin.  Le voyage sera mouvementé. Première déconvenue, le chauffage des premières DS, plutôt symbolique, devient totalement inopérant par ces températures largement négatives. La route est un enfer, entre verglas, neige, pluies glacées et accidents évités. Mais il ne faut pas mollir ! Pour arriver à temps, Chinetti n’a guère d’autre choix que de maintenir une bonne moyenne. Le 6 au petit matin, la DS arrive dans le centre de Chicago ! La mission est réussie. 

Un stand tout petit 

Après avoir reçu un nettoyage en profondeur (aujourd’hui on dirait detailing), la DS est emmenée jusqu’au stand loué par la branche américaine de la marque. Le stand est voisin avec Volkswagen, un autre constructeur inconnu qui cherche à percer aux USA avec sa Coccinelle. Les destins de VW et de Citroën seront diamétralement opposés dans ce pays.  
Sur le stand des chevrons, une seule consigne, formulée par la direction de la marque : il est formellement interdit d’ouvrir le capot et de montrer la mécanique de la DS. 

Le culte du secret 

La petite équipe sur le stand parviendra à faire respecter la consigne pendant trois jours, jusqu’à ce qu’un petit malin trouve la tirette pour soulever le capot. L’accueil du public américain pour la DS est loin du déferlement du Salon de Paris. Imaginez l’américain moyen en 1956. Il est impensable pour lui d’acheter une voiture étrangère. Les seules européennes qui peuvent éventuellement éveiller sa curiosité sont les sportives. Mais imaginez une voiture sans calandre, qui monte, qui descend et qui est à l’opposé total de ce qui se fait aux USA. 

Une nouvelle opportunité 

La DS n’est pas la seule voiture française exposée à Chicago. Sur le stand "Progrès technique”, on retrouve en effet la Grégoire, et son concepteur, l’ingénieur Grégoire. Membre de toutes les associations du monde, et plus particulièrement de la prestigieuse Science Automotive Ingeniors Society, il a une offre à faire à Charles Buchet. Il propose à Citroën d’aller exposer sa voiture à Detroit. L’idée séduit immédiatement Charles Buchet. Le responsable de Citroën aux USA y voit une opportunité supplémentaire de faire parler de la voiture. Il télécharge la nouvelle à Javel, siège de Citroën. La réponse ne se fait pas attendre, et elle est explicite : “Pas question !”. 

Citroën ne veut pas entendre parler de Detroit 

Vexé, Charles Buchet envoie donc un nouveau télexe : C’est embêtant car j’ai déjà passé tous les accords et la voiture doit partir demain, mais, en fait, ce n’est pas à Detroit que ça se passe, c’est à Flint dans le Michigan.” Buchet a compris que c’est “Detroit” qui a fait peur à la direction de Citroën à Paris. Patrie de tous les constructeurs américains et en particulier de Ford, Detroit fait peur aux dirigeants de la marque. Ils ont peur que la voiture soit auscultée, et copiée par les ingénieurs Ford. En expliquant que l’expo se situe à Flint et non à Detroit, Buchet parie que personne au siège ne sait où se trouve Flint. C’est visiblement le cas, puisque la réponse de Citroën arrive : “Dans ce cas, pas de problème, c’est d’accord.” Ce que la direction de Citroën ignore c’est que Flint touche Detroit et que c’est dans le musée automobile de Ford que la DS sera exposée. Malgré tous ces efforts, la DS ne connaîtra jamais le succès outre-Atlantique, pas plus que la marque. On ignore si Ford a cherché à copier Citroen, mais ils ont visiblement renoncé ! 

Nous aussi nous sommes partis rencontrer les Citroënistes aux Etats-Unis

Source : Citroën Revue numéro 15  L'excellent site Nuancier Ds 
Nicolas Laperruque 

 

 

 

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