06 mai 2021

Essai Moto : HONDA CRF1000 DCT Africa Twin épisode 1

Episode 1/3 Nouveau venu dans l'équipe Road-Story, Thierry est un fou de belles images, il en a fait son métier, mais aussi un amateur éclairé de tout ce qui a deux ou quatre roues. Il nous livre aujourd'hui son avis sur l'Africa Twin version 2017. Une moto qu'il avait longuement essayé et qui se retrouve aujourd'hui sur le marché de l'occasion. 


Parc presse Honda, Les présentations

Je coupe le contacte mon X-ADV d’essai,  je mets pied à terre et je m’avance tranquillement vers le petit troupeau d’Africa Twin 1000 qui se reposent paisiblement à l’ombre après une journée de roulage sur terrains divers, entre givre matinal et cuisson zénitale. On est fin avril, le mois des températures qui jouent au yoyo en attendant celui de la plage sous les pavés. Contrairement aux autres essayeurs, je ne rentre pas à Paris, et surtout je n’y vais pas en train. J’inspecte les trois machines, il y a deux rouges et une blanche. Je fais la grimace, aucune ne dispose d’un sélecteur de vitesse au pied. Bruno, le boss, vient vers moi et me dit « tiens, tu prends la rouge qui est au milieu. »

Je me hasarde à lui demander s’il n’en a pas une « normale, pas DCT », c’est que ça m’a bien plu sur le scoot mais là j’ai envie de faire de la bécane. Mais non, ça sera DCT ou rien. Quand même je suis un peu chafouin, autant sur une grosse routière genre Goldwing, je trouverais la boîtauto logique, autant sur une moto clairement orientée aventure / tout-terrain, j’aimerais pouvoir jouer du levier, d’autant que j’ai prévu de ne pas passer tout mon temps sur la route… M’enfin, pas le choix. J’harnache mes bagages sur la bécane, je prends l’ascenseur jusqu’à la selle et me voilà parti de Pézenas, direction Toulouse, via la Montagne Noire. Le lendemain je tirerai tout droit vers le nord par l’ancienne Nationale 20 pour rallier Argenton-sur-Creuse. L'ancienne 20 c'est un peu la Route 66 française, surtout entre  et Limoge, un bout de ruban que pas mal de possesseurs d’Africa Twin, première du nom, ont dû arpenter dans les années 80, avant que l’autoroute ne vienne changer la donne.

L’Africa Twin 1000 est un peu un phoenix de la bécane. Née en 1986, sur les cendres de la belle XLV 750 R/F, alors que le Paris-Dakar est le roi des rallyes, puis disparue en 2003, laissant place à un mastodonte plus orienté route - comme c’est alors la mode, nommé Varadero ; en 2015, la reine du désert était un beau souvenir, rien de plus. Dès sa sortie, en 88, l’Africa Twin est une de ces motos qui fait rêver les kids des eighties, directement inspirée des machines de rallye-raid, décorée aux couleurs du légendaire HRC (Honda Racing Corporation), malgré une cylindrée modeste et un embonpoint certain, ses performances ne sont pas en reste ; si les gros trails d’aujourd’hui jouent fièrement la carte de l’aventure, à l’époque il était surtout question de sport. Que ce soit à travers le Sahara ou dans les petits virolos d’une départementale bien de chez nous, combien de bourres ont été tirées entre l’Africa Twin et son éternelle rivale la Yamaha Super Ténéré ? (voir article L'histoire de Honda)

Hélas à l’aube des années 2000, la fille du désert tire sa révérence. C’est une page qui se tourne, une époque et un état d’esprit qui disparaissent. Les trails se font (encore) plus gros, toujours plus routiers et lourds. Pire, les coloris sont plus insipides que jamais, les marchands d’autocollants mettent la clé sous la porte. Mais dix ans plus tard, le petit monde de la moto est secoué par son passé. Les revivals en tous genres éclatent aux yeux d’un public médusé. Café-racers, bobbers, scramblers et autres engins plus ou moins glorieux envahissent nos villes et nos campagnes.

Une vraie révolution, le phénomène est mondial, d’une ampleur jamais vue. Normal donc que les constructeurs se mettent à la page et exploitent leurs grandes heures en mode #nofilter, ou presque. BMW R-ninety, Ducati Scrambler, Triumph Thruxton… Et j’en passe. Honda ne fait pas exception et revisite deux de ses épisodes les plus emblématiques : la saga CB avec une 1100EX/RS très évocatrice, et la fameuse Africa Twin… Certes un peu plus opportuniste. Je m’explique : née CRF1000L en 2015, ce n’est qu’au bout d’un an que le géant rouge décide de la proclamer héritière de la reine du désert. Sur le papier, à part le nom et une évidente propension aux escapades hors-bitume, la CRF1000L Africa Twin n’a pas grand chose en commun avec son aïeule.

Tout d’abord elle n’est pas directement issue de la compétition. Au Dakar 2017, Joan Barreda Bort et sa CRF450RALLY arrachent une belle 5è place… Mais même de loin en plissant les yeux et en voulant y croire très fort, sa moto ne ressemble pas à la CRF1000L. Pire, elle n’arbore pas le moindre monogramme Africa Twin. Les temps changent. Pour pousser la comparaison plus avant, il n’y a plus de V-Twin chez Honda, dorénavant l’Africa Twin est mue par un bi-cylindre vertical. Tandis qu’à la fin des années 80 et durant les années 90, les XRV650 puis 750 en imposaient avec leur gros réservoir et leur large face avant à double optique, aujourd’hui la CRF1000L joue la carte opposée, se démarquant de la concurrence avec un gabarit plus contenu et une ligne plutôt fine pour la catégorie. Alors finalement, est-ce qu’elle sentirait pas un peu le coup de com’ à pas cher cette Africa Twin des années 10 ? Juste le prix des stickers quoi, c’est qu’avec cette mode du vintage à toutes les sauces les marchand d’autocollants se remettent à fleurir.  (voir article sur Soichiro Honda)

Pézenas, le 21 avril 2017, 16h55, je chevauche ma monture d’essai depuis moins d’un quart d’heure, l’impression de finesse se confirme. Ajoutez à cela le rouge vif de sa livrée qui vient nimber la moitié inférieure de mon champ de vision et j’ai presque plus l’impression d’être perché sur un bon vieux Dominator que sur une Africa Twin dernier cri. Pour le moment la moto et moi même en sommes encore à nous apprivoiser mutuellement. Boîte DCT en mode D, notre allure est des plus paisibles. Cherchant notre chemin sur un filet de gaz dans le dédale des petites rues encombrées de Pézenas, difficile de dire si je suis propulsé par un twin ou un gros mono tant le 1000 reprend bas dans un cognement très tracteuresque.

À ce rythme, je ne mets pas longtemps à être de nouveau séduit par cette boîte DCT. Elle faisait des merveilles sur le X-ADV, et je dois avouer qu’elle est une vraie alliée dans cette circulation étonnamment dense pour une si petite ville. Cette capacité à descendre bas dans les tours alliée à un bon équilibre général - malgré un centre de gravité relativement haut, m’autorise des évolutions très lentes tout en scrutant les panneaux. Je roule à l’instinct, mon attention faisant en permanence des aller-retours entre le trafic et le choix de la route à emprunter…

Oui, je sais on est en 2017 et je n’ai pas de GPS. Quand à mon smartphone, à cette heure ci de la journée sa batterie crie famine. Je roule donc à l’ancienne, un oeil sur la route, un autre sur les panneaux et un troisième sur l’heure qui tourne (je suis photographe, j’ai un troisième oeil)… Parce qu’on m’attend à 19h30 à l’autre bout de Toulouse et je compte bien m’arrêter prêter allégeance à ma vielle amie la Cité de Carcassonne avant de rallier la capitale du Pays d’Oc non sans avoir traversé au moins un morceau de Montagne Noire. Enfin l’entrée de l’autoroute est atteinte et les kilomètres suivants sont parcourus sans encombre à la vitesse réglementaire.

Aux alentours de 18h la lumière se fait chaude et les ombres longues lorsque je me présente face à la barbacane de Dame Carcas. Je sais que le temps m’est compté et je n’ai pas vraiment le loisir de profiter de la Cité mais quel plaisir d’être ici ! Qui plus est d’y revenir en chevalier. L’instant est trop fort, je nous accorde une pause sur l’esplanade. Eut-je été en voiture que je n’aurais pas pu m’approcher autant. Mais la route nous attend, direction Saissac, un petit village situé à 550 mètres d’altitude sur le flanc sud ouest de la Montagne Noire.

J’avais l’intention d’y monter par un dédale de chemins de terre battue et de graviers que je connais par coeur pour les avoir arpentés pendant des années en mountain-bike et avec mon vieux Niva mais je n’ai pas le temps, tout au plus faisons nous quelques kilomètres dans la poussière entre Moussoulens et Montolieu, c’est roulant et sans difficultés, la CRF est à l’aise, comparé au X-ADV c’est un vrai trail, elle peu faire beaucoup mieux, ça se sent.

C’est avec un petit goût de reviens-y que je quitte le petit chemin et engage de nouveau la moto sur la route, mais il faut tracer. Là encore je n’ai qu’à peine le temps d’humer l’air de Saissac, l’air de mes années 90, l’air des Cathares. À l’époque ma monture était rouge aussi, un 400 Bandit. C’était il y a plus de vingt ans mais le souvenir est encore vivace et je mesure pleinement la différence entre les deux motos. Si je trouve ma CRF petite en comparaison des gros trails actuels, ma première impression qui la rapprochait d’un Dominator était erronée. Dans la descente entre Saissac et Castelnaudary, les sensations du Bandit me reviennent en pleine figure, comme si c’était hier.

Et le Bandit, à côté de ma monture du jour, il est tout petit. Et que de chemin parcouru en terme de dynamisme et de sécurité. Je l’ai aimé ce Bandit mais franchement ma bécane d’aujourd’hui est vraiment impressionnante sur ce genre de petite route où les virages se jettent sur moi les uns après les autres. Passé en mode S3 (pour Sport 3, les modes Sport de la boîte DCT étants gradués de 1 à 4), la prise d’angle est franche et stable malgré l’état assez déplorable de la route. Je me régale de jouer de l’accélérateur et du frein, et la moto se penche sans se tordre à la moindre sollicitation du bassin.

Le freinage est vraiment rassurant et les accélérations puissantes, le passage en mode Sport offrant plus d’allonge au moteur et procurant une réaction plus directe à la rotation de la poignée d’accélérateur. La première ligne droite de plus de 500 mètres fait de moi un hors la loi. N’étant pas, mais alors pas du tout un pilote talentueux, je garde toujours une grosse marge de sécurité mais je dois redoubler de vigilance tant le gros trail du géant rouge sait me mettre en confiance. Puis viennent Castelnaudary et de nouveau l’autoroute. Le temps presse, il y a très peu de trafic et je laisse le 1000 s’exprimer un peu plus. Le Pays de Cocagne et ses nuées de moustiques sont traversés bride abattue mais je suis quand même en retard. Les quelques électrons encore présents dans mon téléphone me servent à prévenir mes hôtes et me guider jusqu’à Seilh. Forcément, la rocade toulousaine vers 19h30, c’est pas la petite route qui descend de Saissac. Les bouchons, les vrais, ceux d’une agglomération de plus d’un million d’habitants : même constat qu’à Pézenas, la souplesse du couple CRF1000 / boîte DCT fait merveille. En plus, la hauteur de selle est ici un vrai atout, permettant souvent de voir au delà des véhicules et ainsi anticiper le flux de circulation avec une agréable sensation de sécurité.

Arrivé chez mes amis, mon premier bilan est apparemment très positif, la moto est séduisante, facile, confortable et fait preuve d’une belle polyvalence. Cela dit, je dois avouer que malgré le plaisir pris à son guidon lors de ce premier bout de route, je n’ai pas chaviré dans le tourbillon de la légende. Je veux dire que si je m’étais assis sur une Africa Twin de 88, j’aurais ressenti quelque chose au delà des seules qualités dynamiques de la moto, quelque chose de transcendant, un genre de communion entre mes sens d’adulte et mes rêves d’ado. Mais rien n’est joué, ma monture et moi avons encore quatre semaines pour faire connaissance.

À suivre

Thierry Vincent 

Documents d'époque : Honda 

Photos reportage : Thierry Vincent : www.thierryvincent.com

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