02 avril 2020

Les voitures Chinoises .. sans corona virus

Barrière de la langue, de la culture, censure d’état avec sa « Muraille de Chine numérique »… Même aujourd’hui, la Chine reste un pays mal-connu. Son automobile est ramenée aux pages « reste du monde » des annuels. Quant à leurs marques, avec tous ces « x », ces « q » et ces « y », on a l’impression que les gens se sont inspirés d’une main au Scrabble ! De quoi perdre les amateurs d’exotisme…

 

Pour réaliser Les voitures Chinoises, Joest Jonathan Ouaknine a travaillé durant 10 ans. Dix années de recherche, dénichant des informations que les Chinois avaient parfois eux-mêmes oubliés. Dix années pour trouver des photos, en multipliant les points de vues. Car Chinois et occidentaux ne voient pas les mêmes choses…

Impossible de comprendre l’automobile Chinoise sans comprendre son histoire contemporaine.

 

L’automobile apparu au crépuscule de la Chine impériale. L’impératrice Ci Xi fut d’ailleurs la première automobiliste Chinoise. C’était un pays en pleine déliquescence, où les cotes appartenaient de facto à des puissances étrangères. Cela restait néanmoins un pays fascinant… Paris-Pékin, New York-Paris, Croisière Jaune… Les paysans virent défiler les occidentaux et leurs bolides, alors que même à Pékin, on se déplaçait à dos de chameau. Puis la Chine devint une république. L’autorité centrale était contestée, mais les comptoirs étaient prospères. La demande était suffisante et il y eu un salon de l’auto de Shanghai. Les Américains régnant sur ce marché. Pendant ce temps, les Chinois caressaient le rêve d’une Chine industrielle, qui produirait ses propres voitures. Ford rêva d’une usine sur place, mais il se contenta de former des techniciens. En 1931, le Japon envahit la Mandchourie. Pour alimenter l’effort de guerre, le Japon installa des usines d’assemblage de camions et de blindés légers sur le continent. Ces véritables camps de travail furent néanmoins les premiers sites de production de Chine.

1907 - le départ du Pekin-Paris. Mis à part le quartier occidental, peu de choses ont bougé depuis Marco Polo

 

Après deux décennies de chaos et de guerres, le Parti Communiste proclama la République Populaire, en 1949. L’heure était à la modernisation au pas de charge. Les conseillers industriels Soviétiques furent envoyés dans les anciens sites Japonais : l’Armée Populaire voulait des camions, notamment pour mâter Tibétains et Ouïgours. Le Jiefang (Libération) était largement inspiré d’un modèle Soviétique… Lui-même calqué sur un camion US. Mais la Chine craignait un retour des Japonais. La seconde usine fut construite à Wuhan, le plus loin possible de l’archipel. Au fil des années 50, l’industrie Chinoise s’enhardit : les usines de camions se multiplièrent. Le pays commença à étudier des limousines (Honq Qi, drapeau rouge) pour ses officiels et des berlines plus modestes (surnommée Shanghai, du nom de leur ville de production) pour les hauts fonctionnaires. La France, premier pays non-communiste à reconnaitre le pays, négocia des transferts de technologie… Puis la folie maoïste embrasa le pays. Tout le monde accusait tout le monde de « pensées droitières ». Dans les usines, ingénieurs et contremaitres furent bastonnés et parfois condamnés à l’exil.

1961 - affiche de propagande - produisons la voiture nationale - en l'occurrence une Shanghai Phoenix

 

En 1978, Deng Xiaoping prit les commandes d’un pays en ruine. Il y avait alors davantage de voitures en Ethiopie qu’en Chine ! Remettre en état l’outil industriel était insuffisant ; il fallait acheter des usines clefs-en-main. Deng n’hésita pas à négocier lui-même avec les grands satans Japonais et Américains. Les vieilles usines de camions produisirent ainsi des camionnettes Japonaises. Elles équipèrent les artisans, première fois d’entreprise privée tolérée dans le régime. Français et Allemands se bâtirent pour assembler des berlines en Chine. La Volkswagen Santana devint très vite la voiture du haut-fonctionnaire moderne. Après le flop des Peugeot 504 et 505, Citroën produisit la ZX, première voiture vraiment moderne. Dans les villes, les transformations furent aussi rapides que radicales. Avec 100 000 voitures par an, la Chine commençait à remonter la pente. Une classe moyenne émergeait timidement et les Chinois découvraient les joies des embouteillages. Avec 1,3 milliards d’habitant, le potentiel semblait énorme. Les constructeurs de tous les pays -y compris Mercedes-Benz ou Porsche- parlèrent de produire en Chine. Mais le succès était loin d’être garanti. Certains constructeurs firent preuve d’amateurisme, tel Citroën tentant d’écouler des monospaces familiaux au pays de l’enfant unique…

1984 - les premiers kits assemblés sont concluants. VW remporte l'appel d'offre et construit une usine. Pour l'inauguration plusieurs délégués portent encore le costume Mao

 

En 2001, la Chine rejoint l’OMC. Elle produisait un million de voitures par an. C’était le temps des « post-80 », ces jeunes bobos avides de gadgets. Ils échangeaient leurs impressions sur les forums et les blogs. Les salons de l’auto se multiplièrent, y compris dans les villes moyennes. Une culture automobile se mettait en place. C’était aussi l’émergence des ultra-riches, pour lesquels rien n’est jamais trop beau. Et dans un pays où les comptes bancaires étaient l’exception, ils débarquaient en concession avec des cartons remplis de billets. On pensait que la Chine allait se motoriser avec des petites cylindrées, mais elle devint l’eldorado du premium et du luxe.

2005 - alors que Landwind débarque au salon de Francfort, l'ADAC teste son 4x4 X-Pedition. Le verdict est sans appel, c'est un cercueil roulant

 

Les Chinois revinrent à leurs vieux rêves de concevoir leurs propres voitures. Certains s’offraient les services des bureaux de design et d’ingénierie d’Europe… Mais beaucoup se contentèrent d’un copier/coller, sans aucun scrupule. Aucun complexe, non plus, lorsque Brilliance, Geely, Great Wall, Landwind et autres Shuanghan exposèrent dans les salons Européens. Ils promettaient d’envahir le monde avec leurs modèles ultra-bon marché. Après les Japonais et les Coréens, les Chinois ? Problème de copyright et de véhicules ne répondant pas aux normes ruinèrent les ambitions. A trop investir dans un chimérique projet d’exportation, beaucoup de constructeurs disparurent. Mais ce n’était qu’un début… SAIC reprit les ruines de Rover et Geely racheta Volvo. Byd, lui, convainquit le milliardaire Warren Buffet et investi lourdement dans l’électrique. Dix ans après, on attend toujours les voitures Chinoises en Europe…

2009 - une Byd S8 premier coupé-cabriolet chinois. La finition laisse songeur comme ce capot fermé...

 

Aujourd’hui, la Chine est le premier marché automobile mondial. C’est un marché mature avec des conducteurs de deuxième génération. Le pays fait désormais face à plusieurs défis. Produire, c’est bien. Mais concevoir sur place, c’est mieux…

2015 - ces Argentines dévoilent un SUV X60. Les visiteurs du salon de Buenos Aires sont mitigés.

 

Les voitures Chinoises, disponible aux éditions Complicités. En vente sur chez Amazon et Leclerc Culturel.

 

Raphaël Crabos

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