25 décembre 2021

Une Jensen Interceptor ça se mérite Monsieur !!!

De nos jours, pour avoir la chance de croiser une Jensen Interceptor, il vaut mieux se rendre en Angleterre ou aux US. Ce sont dans ces pays où roulent encore la majorité des 2000 exemplaires survivants sur les 6000 produits à West Bromwich, berceau de cette marque anglaise aujourd’hui disparue.  Alors imaginez le parcours du combattant quand, un néophyte toulousain décide de se lancer dans la restauration d’un tel véhicule, inconnu au pays de la baguette. C’est pourtant mon histoire. 

La genèse

Retour en 2014: Marié et père d’un enfant, vivant dans une banlieue habitée par la classe moyenne toulousaine, je m’ennuie dans mon job.  Or, ce qui ressemble fortement à ma crise de la pré quarantaine (j’ai 38 printemps ) devait finir en apothéose par l’acquisition d’un 4 roues motorisées. Cette voiture devait être classe mais sans exubérance, exclusive sans être ostentatoire, discrète mais emplie d’histoire, originale, oubliée ou mal aimée.  Bref, une voiture de connaisseur.

Dans ma jeunesse, je lisais quantités de magazines automobiles que mon père achetait, en particulier l’Auto-Journal. l’édition spéciale annuelle « Toutes les voitures du monde » donnait et donne encore une certaine notoriété aux petits constructeurs indépendants. J’ai passé beaucoup de temps à apprendre et reconnaître des bijoux produits en petite série en Angleterre, tous inconnus en France. Évidemment, par rapport à mes attentes, la voiture de mes rêves devrait être anglaise, pour se démarquer du français caricatural pratiquant la voiture ancienne. Il est fan la plupart du temps de voitures françaises, populaires, ou ayant été importées dans l’hexagone en grand nombre. Mon projet devenait donc plus précis, ayant défini un budget de 20.000€ tout compris. Et il n’y avait pas de Jensen dans la liste que j’avais établie.

Fin 2014, « Wheeler Dealer » commence à être diffusée en France. Par hasard, je tombe sur l’épisode avec la Jensen Interceptor. La grosse claque pour moi ! Comme redécouvrir quelque chose que j’avais toujours connu, jaillissant de ma mémoire comme une madeleine de Proust. En fait, me revenait un souvenir de mon enfance, chez mes parents, agenouillé devant la bibliothèque noire où mon père entreposait des revues, parcourant les magazines de voitures aux pages jaunies et fanées. J’y découvrais une petite image en noir et blanc de cette voiture fascinante avec son immense baie arrière caractéristique et sa ligne évocatrice.

Absorbé par l’émission, j’en attends la fin où la voiture est vendue à 8.000€, pile dans mon budget! J’en veux une!

Cherche, et tu trouveras !

Immédiatement, j’en cherche une en France, aucune ! Sur des sites d’annonces européens, je découvre vite l’état réel des voitures à vendre pour 8.000€. Je comprendrai plus tard que le tournage de l’émission avait été fait 5 ans auparavant, lorsque la côte de la voiture était bien plus basse. Je change donc mon fusil d’épaule, je suis maintenant à la recherche d’une voiture avec une carrosserie en bon état mais à restaurer. Cela  me laisse le temps d’économiser l’argent qu’il me manque pour couvrir les dépenses de restauration ultérieures. Sachant que je ne suis pas bricoleur, que je n’ai jamais eu de voiture ancienne, ma seule expérience se résume à l’utilisation régulière de la TR6 de mon père. Je suis très optimiste, trop même !

Je prends contact avec le Jensen owner’s club en Angleterre et certains de ses membres. C’est par le biais d’une annonce que je fais passer sur le forum que je diffuse ma recherche : un projet de restauration raisonnable, disponible au Royaume-Uni, pays le plus fourni. Mais les bons projets partent vite, et je n’ai jamais le temps d’organiser une visite depuis la France pour aller vérifier les voitures et prendre une décision. En attendant, je me construis un réseau de propriétaires Jensen Français. Chaque contact est l’occasion de rencontrer des personnes ayant de solides connaissances en automobile, avec un goût similaire au mien pour les voitures atypiques ou sous-estimées. Chaque fois, ils font preuve de beaucoup de bienveillance à mon égard, et sont source de conseils. A cette époque en France, le Jensen Owner’s club est peu visible, encore moins actif, et j’ai l’impression d’être le premier à avoir autant de connexions avec les propriétaires de la marque. Je sympathise avec Nigel, un anglais vivant en France rencontré sur un forum et à la recherche d’une Interceptor comme moi, c’est à son contacte que  germe l’idée de revitaliser une branche du JOC chez les froggies.

Au cours de cette période, je vais pouvoir collecter de nombreuses informations sur la restauration de cette voiture faite main, à l’instar des Aston, Bristol ou Monteverdi dont elle était alors concurrente. Je réuni une somme de détails comme les points faibles de la voiture, les moyens de la restaurer, la maintenir en France…etc.

C’est alors que je reçois une réponse intéressante d’un gars, Luis, vivant en Espagne. Toulousain je le rappelle, l’Espagne est bien plus proche que le Royaume-Uni pour moi. Il a une Interceptor III à restaurer, presque complète, et qu’il se résout à vendre. Impossible de  réaliser son projet en vivant sur l’île de Majorque ; manque de pièces, de connaissances ou de support. C’est une RHD, qui n’est pas pour moi pas le meilleur côté pour conduire en France. Mais elle n’en sera que plus authentique ! Nous échangeons beaucoup de photos et nous nous appelons toutes les semaines dès mars 2015. La voiture parait saine, moins rouillée que les projets trouvés en Angleterre, et le prix de 10.000€ est honnête comparativement à tout ce que j’ai pu voir. Nous tombons d’accord sur un deal, prévu 45 jours plus tard, en mai, à Majorque.

Pendant ce temps, je trouve en urgence un maçon pour construire un garage contre ma maison pour l’accueillir, ayant omis de gérer ce détail.

Pour me mettre un peu de pression, je décide de contacter un journaliste spécialisé dont j’apprécie la plume . Il est journaliste pour Auto Retro et je sais qu’il vit près de chez moi. Pour l’appâter, je lui suggère de couvrir mon voyage dans la chaleur de l’île des Baléares en Mai. Il est plutôt habitué à l’humidité des Midlands lors de ses voyages hivernaux en cabriolet chez les britanniques. 

Il s’agit de raconter l’histoire d’un français moyen achetant pour la première fois une voiture assez inhabituelle à restaurer, avec tous les problèmes qu’un débutant peut potentiellement rencontrer vu l’engin. Il accepte très rapidement, les dés sont jetés.

Une semaine avant de partir aux Baléares, j’apprends qu’une Interceptor est à vendre à 70 km de chez moi. Incroyable ! Je contacte le vendeur vivant au Royaume-Uni: c’est l’héritage de son grand-père, la plaque d’immatriculation est anglaise, le prix est de 20.000€. c’est une « sortie de grange « mais somme toute en très bon état. Étonnamment, c’est autant les tracasseries administratives pour son immatriculation que l’excitation de vivre une grande aventure à Majorque à la place qui me conduit à ne pas aller la voir. Finalement, elle sera vendue à un Français qui, après une grosse révision, la conduira l’été suivant...

Le voyage de découverte

En mai 2015, nous atterrissons à Palma de Majorque en fin d’après-midi. Je suis accompagné d’un ami et de Jean Claude le journaliste. Nous sommes chaleureusement accueillis par Luis, le vendeur. Nous conduisons prudemment sur les routes montagneuses majorquines jusqu’à une magnifique villa typique adossée à une colline, avec vue imprenable sur la mer au loin. La voiture se trouve dans le garage, je découvre enfin ce que j’ai acheté ! Alors, sur le moment, il est difficile de décrire mon sentiment : un mélange entre stress, excitation, joie et interrogations ... il était clair que je m’étais un peu emballé et mon budget était trop bas. 

L’Interceptor dont je viens de prendre possession s’appelle 136/8250. Elle est sortie d’usine en février 1973. C’est une version « J », RHD, moteur V8 Chrysler 440 ci, soit 7,2L de cylindrée d’environ 280cv, bien nécessaire pour mouvoir les 1,8 T de la bête. Cet exemplaire a été vendu neuf en Angleterre, puis cédé dans les années 80 à un Allemand qui l’a utilisé en Allemagne puis l’a conduit à Majorque. Cerné par des problèmes de fiabilité et de rouille, le propriétaire a voulu s’en débarrasser et l’a laissée à un garagiste local dans les années 90. La voiture a mal vieilli et l’on voit qu’elle a été restaurée grossièrement. Qui a fait une première restauration ? Qui l’a peinte en noir infâme ? Impossible de le savoir. Le mécano avait sûrement voulu la restaurer complètement, mais le coût des réparations comparé à la faible valeur finale d’un tel projet avait eu raison de son ardeur. Après de nombreuses années d’oubli, la voiture était littéralement recouverte d’une épaisse couche de graisse. Quand Luis l’a découverte par accident un an auparavant, même son toit vinyle beige était gris. Il l’a rachetée pour une bouchée de pain pour s’en occuper lui-même, étant tout à fait compétent sur la restauration complète de coccinelles ou de combi VW.  Mais cette fois, il sera trop optimiste.

Le soir même, nous essayons sans succès de démarrer le moteur, aidé au téléphone par Thierry, un propriétaire français de ma connaissance et les pièces que j’avais apportées avec moi. Notez que lors d’un contrôle aux frontières, une bobine d’allumage peut être confondue avec une grenade à main lorsqu’elle passe à travers le rayon X...

Après 2 heures de tentatives infructueuses nous nous arrêtons et partons en ville dîner. Luis nous a offert un excellent repas dans un célèbre restaurant de Palma, fréquenté par de jeunes femmes bien habillées au bras de vieux monsieurs très distingués. Nous en avons conclu que Luis avait fait une belle affaire à la revente de cette voiture.

Le lendemain matin, Luis avait réussi à faire organiser le transfert de la voiture de son garage à l’entrepôt d’une petite entreprise de transport international sur le port de Palma. De là, elle serait convoyée jusqu’à la frontière franco-espagnole et livrée à un autre transporteur français que j’avais mandaté, qui la déposerait dans un garage toulousain. Mais arrivé au port, l’accord était de transporter une voiture en bon état de marche, et la Jensen en était loin. Après une discussion avec la secrétaire sur ce point épineux, son patron-camionneur de mari se présente. Par un coup de chance énorme, en voyant l’Interceptor, tous nos problèmes disparaissent : L’honnête homme restaure justement une Dodge Charger avec le même moteur que le nôtre. Par solidarité MOPAR, il accepte de charger notre voiture, à notre grand soulagement.

Pendant les 2 jours restants de notre séjour à Majorque, Luis se montre être un guide local dévoué, nous présentant les trésors de Majorque que seuls les habitants connaissent : gastronomie, routes et villages typiques.

Le plus dur reste à venir

Dès que mon nouveau jouet est arrivé à Toulouse, je la confie à un expert en automobile américaine pour redémarrer le moteur. Je comprends vite qu’il n’est pas intéressé pour la garder. Déplacée dans un autre garage, plus branché mécanique anglaise, le moteur est révisé. Par contre, en regardant ma voiture de plus près, j’y découvre des trous de corrosion sous le toit en vinyle et le siège conducteur. Aussitôt le toit de mon garage posé, je récupère alors la voiture en attendant de trouver le bon carrossier pour attaquer une restauration complète. Je me rappelle alors une discussion avec un membre du JOC : « Un budget de restauration, c’est le double du budget initial que tu prévois, plus 10% ». Le conseil le plus avisé que j’ai reçu, et qui s’est avéré être parfaitement exact dans mon cas.

Alors, ai-je fait un choix raisonnable? A ce stade, non, c’est une réalité que je vais apprendre à mes dépens(es).

Début juillet 2015, tous les carrossiers que j’ai contactés pour des devis ont refusé ou me proposent des devis faramineux. Personne ne veut travailler sur une voiture méconnue : trop compliqué, trop risqué, à trop faible marge. Du coup, je décide de démonter tout ce que je peux pour économiser de l’argent en effectuant moi-même des heures de main d’œuvre à faible valeur ajoutée. C’était aussi un bon moyen de montrer l’état réel de la carrosserie pour celui qui peut être intéressé par mon projet. 

En septembre 2015, le numéro d’Auto-Retro sort avec l’article de Jean Claude sur notre aventure majorquine et ce projet de restauration insensé. Il m’apporte une célébrité toute relative. L’effet n’est pas celui escompté, ma famille et mes amis réalisent alors l’ampleur de la tâche à accomplir et le niveau d’exigence à atteindre que je me suis fixé. Je commence à comprendre que ce projet peut effrayer mon entourage, quitte à les faire douter de ma santé mentale. En parallèle, une information des plus intéressante me parvient. Un ami de la famille m’apprend que je viens d’acheter la voiture que mon père voulait acheter à mon âge. Si je reste d’abord surpris d’apprendre ça d’une autre personne que mon père lui-même, j’ai l’explication rationnelle de mon entichement pour cette voiture inconnue. Toutes ces années, j’avais été inconsciemment conditionné par les rêves de mon père.

Fin 2015, plus je décape la voiture, plus je découvre l’étendue des dégâts. Toutes les pièces avaient été mal restaurées : Du mastic et même de la fibre de verre recouvraient des parties corrodées mal traitées. A l’exception des portes et du capot, j’étais bon pour acheter tout le reste de la carrosserie, heureusement disponible à l’identique en Angleterre. Je n’ai plus d’autre choix que de restaurer à partir de zéro la voiture, une très mauvaise nouvelle pour moi. Concrètement, mon stress augmente à mesure que le temps passe. Ce projet monopolise toutes mes pensées et a un impact sur mon budget familial, ce que je voulais surtout éviter. Je me décide donc à vendre mon véhicule principal et me mets à épargner au maximum.

En juillet 2016, via mon réseau personnel, je trouve enfin le prestataire pour m’aider. Nouvellement installé à une centaine de kilomètres de chez moi, il avait déjà travaillé sur des voitures américaines. Comme je suis piégé, je n’ai pas d’autre choix que de partir avec lui. Le deal est le suivant : il restaure la voiture et je gère la communication du projet sur les réseaux sociaux pour développer sa notoriété, me garantissant un coût de restauration dans un budget que j’ai pu augmenter.

A partir de là, je me sens un peu plus à l’aise. Le carrossier semble avancer rapidement. De l’autre côté, le Jensen owners’ club de France se développe bien avec l’aide du JOC International. Lentement mais sûrement, la fréquence des échanges entre propriétaires Jensen augmente et le groupe gagne de nouveaux membres. Nous avons maintenant un noyau solide de 6 membres actifs, je me dévoue pour écrire et faire publier des petites annonces sur les magazines pour communiquer sur notre existence. C’est très stimulant.

Pendant près d’un an, j’aide le carrossier à traduire les spécifications techniques ou à passer de grosses commandes à des spécialistes Jensen outre-manche. Je fais tout mon possible pour le booster. Finalement, les travaux sont bien plus long qu’à la télé!

En juin 2017, nous organisons la première réunion du JOC de France en Bourgogne avec 6 voitures. Nous sommes alors une petite dizaine de propriétaires, disséminés aux 4 coins de France.

Un problème ne vient jamais seul

Chez le carrossier, la restauration de ma voiture semble à l’arrêt. Il trouve n’importe quelle excuse pour expliquer son retard. Chacune de mes visites trimestrielles dans son atelier est aussi l’occasion de me rendre pourtant compte que d’autres voitures entrent et sortent. Cette dérive commencent à m’agacer sérieusement.

Au cours de l’année 2018, nos relations ont pris une autre tournure. Pour le suivre au plus près, je lui demande de me fournir un planning réalisable, avec des preuves des tâches terminées à chaque fois.. je ne les reçois jamais. Nous convenons d’une date de fin de travaux, qui tombe justement au moment d’un festival de voitures anciennes - cher à notre Igor national - qui se déroule sur le circuit adjacent et où nous pourrons l’exposer. Hélas, à la date butoir, il a à peine fini la carrosserie. On est loin du compte, je le menace de reprendre ma voiture s’il n’accélère pas la cadence.

Pendant ce temps, grosse satisfaction, j’arrive à déterminer la véritable référence en peinture « moderne » du « Jensen California Sage » de mon auto.  J’ai toujours pensé que cette couleur reflétait parfaitement la classe des années 60. C’est aussi une teinte rare pour Interceptor, encore plus rare en France, il n’y en a pas ! Le test de la teinte sur des échantillons de grandes pièces est convaincant. Je ne pouvais pas penser à quel point le choix d’une couleur de voiture serait aussi stressant.

Autre satisfaction, Le Mans Classic 2018. J’en profite pour rencontrer pour la première fois certains membres, après 3 ans de contacts téléphoniques. J’y croise des membres du board du JOC aussi, je peux toucher des Interceptor qui ont fait le déplacement depuis leur pays de production, de France ou des Pays Bas. Nous sommes tous heureux de partager nos expériences. Ça me booste !

A l’été, je dois maintenant gérer la rénovation de tous les cuir Connolly. Pour cela, j’entreprends la tournée des selliers locaux. Je reste très étonné d’entendre la plupart d’entre eux vouloir enlever le Connolly pour le remplacer par du simili cuir. Finalement, le dernier souhaite sauver ce cuir original, et pour deux fois moins cher que les autres. Un très bon point qui me ravit. En Octobre 2018, je reçois mon bel intérieur en cuir fraîchement restauré. Cela valait la peine de sauver ce bon vieux cuir Connolly. Du coup, je confie au sellier la remise en état des passe -poils de toutes les moquettes. Pour le levier de vitesses, j’accepte sa proposition originale de le recouvrir avec un simili cuir pour rappeler le reste de l’intérieur. Ma Jensen sera unique !

Faute de signes encourageants de la part de mon carrossier, je me suis résigné à le quitter. Je passe la fin de l’année à finaliser un transfert vers l’Atelier Classique, un spécialiste Jensen (entre autres) en Bourgogne, tenu par un membre du groupe de propriétaires et qui entretient et répare déjà la plupart de la vingtaine de Jensen en France. Propriété de Fred Mary, la distance avec ce garage et mon budget initial ne m’avait pas permis de le consulter. Je dois me rendre à l’évidence, la situation exige que ce soit lui qui reprenne les choses en mains.  

D’ailleurs, les informations que je reçois par des biais détournés n’augurent rien de bon. J’ai maintenant très peur d’une éventuelle mise sous séquestre administrative. Je le somme officiellement d’arrêter tout travail immédiatement. Je n’obtiens aucune réponse. Au début de l’été, je me résous à lui rendre visite pour lui signifier de vive voix la fin de notre collaboration. Prévenu un peu avant, il me présente du travail, que je juge baclé, et réclame son dû. Je dois lui signer à contre cœur un chèque d’un montant prohibitif pour m’assurer la récupération de mon Interceptor.

En juillet 2019, à Nantes, notre membre local François obtient un stand pour le JOC de France lors la manifestation Nantes Autodrome. C’est une opportunité incroyable pour nous de montrer le dynamisme du JOC de France. Nous sommes 6 membres avec nos familles respectives à faire le déplacement, avec 3 voitures. Nigel Lane, propriétaire de RSR, spécialiste de Jensen Healey tout proche, fait le déplacement, comme Fred Mary depuis la Bourgogne. Nous organisons avec Fred la récupération de ma Jensen dans le Gers, prévue un mois plus tard.

En août 2019, nouveau problème. J’ai été informé par un ami que le sellier a soudainement fait faillite. J’obtiens le contact du liquidateur judiciaire pour récupérer mon bien, il ne répondra jamais à mes demandes. Je perds toute la moquette et mon pommeau de vitesse. Je cumule…

Septembre : Goodwood Revival, superbe ! J’y rejoins mon ami François avec son Interceptor II pour y assister pour la première fois. D’entrée, dans le train de l’aéroport au site, je sympathise avec un groupe de suédois qui s’y rend chaque année, dont l’un d’entre eux a une Interceptor. Ils décident donc de me guider jusqu’à mon point de rendez-vous. Là-bas, j’y croise plus de Jensen qu’il n’y en a en France, c’est d’un commun.! Encore un coup de boost qui me fait du bien au bon moment.

La lumière au bout du tunnel

En septembre, comme prévu, Fred Mary et moi nous retrouvons chez le carrossier. Derrière la bonne humeur constante de Fred, je détecte son étonnement devant l’état de la caisse qui n’a guère bougé depuis 12 mois. Heureusement, après 1000 kilomètres de route, mon « bien trop long projet » est arrivé en toute sécurité dans son nouveau centre de soins. L’équipe de L’Atelier Classique découvre les malfaçons :  Ajoutés aux positions de charnières incohérentes, la forme trop plate de l’arche arrière gauche, l’écart de 12 cm entre le plancher et le panneau arrière droit ou le désalignement de la trappe à carburant avec le coffre vont devoir eux aussi être repris. Un résultat certes décevant mais prévisible. 

Nouvelles du monde : le Brexit est effectif maintenant, ce qui signifie des impacts logistiques et financiers significatifs pour importer des pièces Jensen du Royaume Uni.

En février 2020, la carrosserie est finie et peut être envoyée à l’atelier de peinture. Le peintre nous assure la peindre rapidement. Nouvelles du monde : crise COVID. Le propriétaire de l’atelier de peinture informe que le confinement n’aura pas d’impact sur son travail. En novembre, ma patience arrive à ses limites, avec la collusion de Fred, je me vois contraint de le menacer de poursuites si les travaux de peinture que j’ai payé en avance ne sont pas réalisés sous quinzaine. Message passé, le 23 décembre 2020, la peinture de carrosserie est enfin réalisée.

Début 2021, Fred et Isaac son fils abattent un travail remarquable sur la voiture : mise en place de l’isolation, révision du moteur, remplacement de la suspension et du système de freinage, remise à neuf complète du système de câblage électrique. Mais aussi nouveau système d’allumage électronique, réfection de le direction assistée, mise à jour du système de climatisation. Sans parler de l’installation d’un système de refroidissement avec démarrage avancé des doubles ventilateurs et l’amélioration de la carburation avec un tout nouveau carbu Edelbrock au lieu de l’ancien Carter. Grâce à Fred et à son atelier l’Atelier Classique, chaque petite pièce peut être remplacée en prélevant dans leur stock de pièces de rechange au lieu d’en acheter de toutes neuves. Ça préserve mon budget.

Le reste de 2021 sera une somme de détails à gérer comme les problèmes logistiques pour l’achat de  nouvelles pièces, des tracasseries administratives en vue de l’immatriculation, la recherche de pièces manquantes perdues par l’ancien carrossier, la remise en état du tableau de bord trop abimé et du volant. Toutes ces petites choses reportent d’autant la livraison, semaines après semaines.  Le diable se cache dans les détails . Finalement, après un dur labeur et de la sueur, le 1er Octobre, mon Interceptor quitte l’atelier pour son premier essai routier depuis 6 ans.

La livraison

Après 6 ans et demi, 186/8250 est enfin prête. La date de livraison est fixée au 4 novembre. Par générosité, Fred me l’amène sur remorque, ne pouvant m’organiser pour monter en Bourgogne. Me voici donc, le jour J, dans ma rue, à attendre la remorque. Elle apparaît maintenant, au bout de la rue. Première pensée : quelle couleur, j’en suis amoureux !

Dès que Fred le gare, nous mettons le V8 en marche. Son bruit caractéristique est exactement ce à quoi je m’attendais, ni trop fort ni trop grave, mais juste ce qu’il faut de métallique et distinctif. Un régal, s’il ne consommait pas ses 20 litres au 100 en conduite normale sur route. Je ne suis pas plus ému que ça, trop concentré à inspecter tous les détails. Une après-midi était juste suffisante pour m’expliquer soigneusement ce que je devais savoir pour l’utiliser, la conduire, l’entretenir ou déceler tout signe de défaillance. Quand il est parti, mon fils et moi lui avons ouvert la voie de l’autoroute la plus proche, jubilants mais tendus. L’absence de rétros extérieurs (impossible à installer) et la conduite anglaise m’ont obligé à conduire avec une extrême prudence.

Le court trajet pour rentrer à la maison est déjà plus détendu, appréciant la conduite en douceur d’une telle GT, comme on s’amusait aussi des visages des autres automobilistes que nous avons croisés, nous donnant un air fier à peine dissimulée ! À la fin de la journée, je suis épuisé par la fin d’un si long processus  qui m’avait causé tant de problèmes et d’émotions.

Happy End

Finalement, au cours de ces 6 années, ma vie a changé plus que je n’aurais pu le penser au départ. J’ai rencontré des gens merveilleux liés au projet - certains sont devenus des amis proches - j’ai pu acquérir d’autres motos et voitures pendant ce temps, ce qui m’a donné l’occasion de participer à des événements ou des rallyes incroyables avec elles et faire encore d’autres rencontres. De toute évidence, ce projet de restauration de Jensen Interceptor a été plus fédératif qu’avec tout autre voiture plus connue.

 J’ai reçu beaucoup de soutien de la part de vrais passionnés de voitures comme moi et je les en remercie. J’ai surtout beaucoup apprécié l’entraide et le support des autres propriétaires de Jensen, un petit groupe très soudé à travers le monde. Cela montre l’importance d’adhérer à un club quand on débute, outre le fait de s’adresser à un spécialiste qui vous fera économiser un temps précieux. Ce projet m’a apporté une plus grande confiance en moi, cela a même incité ma femme à poursuivre sa propre passion. Mon bilan est donc positif, je mets volontairement l’aspect financier de côté qui est devenu anecdotique sur la fin.

Il est maintenant temps pour moi d’écrire un nouveau chapitre, le plus important : profiter de la conduite de cette auto ! Depuis que nous avons reçu notre nouvelle voiture, ma famille et moi profitons de chaque occasion pour sortir avec. Au diable le prix de l’essence !!  L’expérience de sa conduite me donne énormément de satisfaction. Je partage donc mon enthousiasme sur les réseaux sociaux via ma page Facebook dédiée. Vous pourrez bientôt le constater dans des vidéos YouTube, des photos de tournage et d’autres articles que je diffuserai. La nouvelle vie de 136/8250 ne fait que commencer, la mienne avec elle!

Tanguy Lauzin

L’Atelier classique

https://m.facebook.com/Latelierclassique/

136/8250 Jensen Interceptor 

https://m.facebook.com/groups/1696836250549653/

Le Jensen Owners Club de France

https://m.facebook.com/groups/224479431252237/

 

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